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Jérôme Schlomoff : autour de New York zéro zéro

En ce XXIe siècle technologique et trépidant, Jérôme Schlomoff aime à utiliser l’«archaï;que» sténopé pour mieux révéler un autre espace-temps, celui de la misère et des exclus.

Propos recueillis par Étienne Helmer

Etiennne Helmer : Ton film new york zéro zéro est réalisé selon le principe du sténopé. Peux-tu expliquer en quoi cela consiste ?
Jérôme Schlomoff : Le sténopé, ou camera oscura, est l’ancêtre de l’appareil photo.
Il suffit de prendre, par exemple, une boîte de conserve, de faire un petit trou au centre, et de placer en face du trou une surface photosensible à l’intérieur de cette boîte. Lorsque vous ouvrez l’obturateur (la bande de scotch qui occulte le trou), la lumière qui entre dans la boîte (la chambre noire) par ce trou (le sténopé) fait diffraction et projette l’image du dehors à l’intérieur de la boîte. Cette image est projetée à l’envers (haut-bas et droite-gauche inversés) sur la surface photosensible. Il ne reste plus qu’à laisser exposer selon la quantité de lumière au moment de la prise de vue. Une fois le film développé, vous obtenez un négatif original qui vous permettra de faire des tirages.

C’est le même fonctionnement que notre œil, ou de n’importe quel appareil photo, sauf que pour le sténopé on ne peut pas modifier l’ouverture du trou, comme on peut le faire avec le diaphragme d’un objectif moderne, afin de laisser entrer plus de lumière pour écourter les temps d’exposition. Avec le sténopé, on est contraint d’utiliser de longs temps de pose car le trou est très petit, il ne laisse entrer que peu de lumière. Cette contrainte, spécifique au sténopé, permet d’obtenir des images surprenantes dès lors qu’il y a du mouvement dans l’image cadrée. En effet, selon la vitesse de déplacement des choses mobiles soumises au temps d’exposition de la prise de vue, on aura au mieux une traînée fantomatique de la chose en mouvement, au pire aucune trace de ce mouvement.

C’est en partant de cette pratique archaï;que de la photographie que j’ai décidé, en 2001, de l’appliquer au cinéma en me fabriquant un premier prototype en carton de caméra sténopé 35mm. Par la suite j’ai eu la chance de trouver à la brocante du Ciné-Club de Fleury-Mérogis un vieux chargeur de caméra 35mm que j’ai fait modifier en adaptant une platine coulissante qui obstrue la chambre noire du chargeur, avec au centre une très fine plaque d’acier munie de son trou sténopé, et j’ai fait installer une poigné à l’extérieur pour pouvoir avancer le film à la main vue par vue.

Contrairement à une caméra traditionnelle, qui filme à la cadence de 24 images par seconde, je filme vue par vue, en respectant l’intervalle temporaire que m’impose le temps de pose de chaque image. C’est comme pour le cinéma d’animation qui requièrt l’arrêt de la caméra entre chaque image pour prendre le temps d’animer la scène filmée. Sauf qu’ici, l’action continue pendant le moment où ma caméra est à l’arrêt.
Le rapport espace-temps que je filme se dilate et il se contracte à la projection. C’est au montage que je régule la durée des plans. Ici, l’archaï;sme du principe fragilise la nature des images capturées, au point de remettre en question ce que nous voyons. Les images résultantes génèrent une vision poétique peuplée d’images fantomatiques.

Ce procédé est en quelque sorte artisanal et donne au film un caractère ancien et très éloigné de notre représentation en couleur de New York comme capitale du monde développé. Tes images sont aux antipodes de celles de la télévision. Pourquoi ces choix esthétiques ? Est-ce pour rappeler que l’artiste est d’abord un artisan ?
Je crois qu’il n’y a pas de beaucoup de différences dans la pratique dite «classique» entre l’artisan et l’artiste. Depuis toujours l’artiste est aux prises avec les mêmes gestes que l’artisan et ils partagent les mêmes savoir-faire. Mais on connaît aussi des artistes qui sont de véritables chefs d’entreprise, et dont les œuvres sortent de leur propre «usine», comme Jeff Koons. Ça n’a rien d’étonnant, de tout temps les artistes ont fait travailler leurs élèves et des artisans dans leur atelier afin de produire des chefs-d’œuvres…

Non, si j’utilise une technique dite «artisanale» pour réaliser des films, ce n’est pas pour mettre l’accent sur cette appartenance, (dont je dépends de toute manière étant donné l’origine déjà artisanale du matériel et des moyens techniques que je détourne, transforme et utiliser pour faire du cinéma). En revanche, l’intelligence de l’artisanat et sa maîtrise me permettent d’être, en quelque sorte, l’artisan de ma propre liberté à faire du cinéma comme je le re-sens.

Ce travail n’est pas issu d’un choix esthétique, j’ai adopté l’esthétique qui s’est présentée à moi au fur et à mesure que j’ai mené mon expérimentation; les seuls choix que je peux revendiquer sont ceux qui me sont apparus intuitivement comme de bonnes pistes à suivre au moment où j’ai envisagé de poser mon regard sur la ville avec les moyens dont je disposais. Et si les images qui résultent de l’utilisation d’une telle caméra sont si différentes de celles de la télévision, c’est simplement parce ce que j’ai choisi de montrer ma façon de voir le monde qui m’entoure, plutôt que de montrer ce que je vois.

C’est sans doute dans ce contexte d’hyper médiatisation d’une logique de guerre, où le gouvernement américain décide de nous présenter via les médias la preuve «photographique» du bien fondé d’une intervention militaire en Irak, que l’on peut commencer à mettre en doute notre certitude à voir le réel.

Il est très intéressant de constater que ces photographies qui sont devenues la preuve de la présence d’armes de destruction massive en Irak soient des photographies issues d’une technologie ultramoderne, s’agissant de prises de vue satellitaires, comme si cette surenchère de technologie embarquée dans l’image était un plus afin de rendre crédible le mensonge. Ce serait comme rendre la «vérité» encore plus nette, encore plus indiscutable, comme s’il fallait que la vérité du spectaculaire s’affirme…

La succession saccadée des images et les mouvements des rares personnages du film – vers le début, l’homme assis qui lit le journal, puis monte dans une voiture, ou encore les mouvements de bras de Jerzy W. Sulek – font penser au cinéma muet : est-ce l’une des sources d’inspiration de ton travail ?
Toutes les époques du cinéma m’inspirent, c’est juste l’archaï;sme des moyens que j’utilise qui renvoie fortement à l’origine de l’histoire du cinéma. C’est aussi une question de langage, car ce travail nécessite de mettre en place un nouveau langage pour fonctionner dans le champ du cinéma contemporain. C’est un retour aux sources, une forme de balbutiement de l’image, les sautillements de l’image sont autant d’hésitations indispensables à l’acquisition de ce nouveau langage.
Ce cinéma fait penser au temps du muet, car il renvoie à une époque où le cinéma émerveillait notre imaginaire en mystifiant nos esprits naï;fs de ne pas comprendre le «truc». Méliès a tout inventé, il a très vite compris comment une aberration technique pouvait devenir un tour de magie. Il a su profiter des balbutiements de l’histoire du cinéma pour émerveiller des foules crédules et avides de «vérités spectaculaires».

Ce refus de l’artifice des images clinquantes de la télévision ou du cinéma, dont l’enchaînement fluide porte toujours une menace de déformation et de manipulation, a-t-il pour but de mieux être en prise avec le réel dans toute sa violence et son incohérence ?
Ce que je montre dans mes films modifie notre certitude à voir le réel. C’est déjà une forme de violence. On est obligé de faire un effort pour identifier ce qui est donné à voir en dépit de nos propres connaissances. A partir du moment où l’inconscient se met en marche pour reconstruire le réel, on peut considérer qu’on est en prise directe avec le réel car on n’est plus un spectateur passif devant un écran de télévision de plus en plus plat, on participe au décodage des images.
C’est une forme de refus de l’incohérence, cette même incohérence qui laisse s’installer la misère dans nos villes, nos campagnes. C’est cette misère qui constitue la plus grande menace de destruction massive… Les terroristes sont aussi ceux qui laissent la misère s’installer. Les militaires américains nous ont montré les photographies d’un désert de sable entouré de misère.

Ces choix esthétiques ont donc aussi une signification sociale ou politique liée au thème de l’exclusion qu’évoque le film ?
Oui, il ne s’agit que de ça. Je pose la question «comment habiter la ville aujourd’hui ?»

Tout va très vite dans ce film : la voiture est un des «acteurs» principaux, on est toujours en mouvement, et même Jerzy W. Sulek, ce sans-abri auquel François Bon prête ses mots, ne fait qu’une apparition fugitive, il est happé par le mouvement du film. Faut-il voir dans cette vitesse, dans les images qui sautent et dans le flou une manière de dire l’errance dans le monde urbain contemporain ?
J’y vois une forme d’affolement, d’effondrement. Le basculement dans l’errance survient si vite, j’ai appris ça de l’expérience de «la douceur dans l’abîme» que nous avons vécue, François Bon et moi, auprès des sans-abri à Nancy durant l’hiver 99-2000. Nous avons arpenté la ville et ces alentours sans arrêt, nous avons emprunté des itinéraires inventés par les sans-abri pour parcourir la ville plus vite, ou simplement, plus au sec en cas de pluie… On a appris à découvrir une autre cartographie de la ville. L’urbanisme d’une ville ignore l’errance, donc l’errance redéfinit l’urbanisme de la ville afin de s’en approprier une infime partie, simplement pour dormir… Je propose un regard poétique de cette redéfinition de la ville car elle émane d’un besoin de survie bien en prise avec le réel. Le réel passe aussi par les corps tremblants et tordus que j’ai photographiés et les gueules cassées, congestionnées, ou tout simplement trop jeunes pour être à la rue… Oui, la fragilité de ces images ressemble bien à la fragilité de ces vies.

Cette vitesse rend aussi très difficile non de suivre le film mais de se souvenir de l’enchaînement des séquences. Je l’ai regardé attentivement plusieurs fois, et il m’est toujours aussi difficile de me rappeler ce que sera la séquence suivante. En même temps, tes images semblent être celles d’une sorte de civilisation disparue, très ancienne ou très lointaine, ce qu’accentue le fait qu’on n’y voit presque personne. Peux-tu expliquer ce drôle de jeu sur la mémoire ?
Ce film fait appel à notre mémoire car il n’y a pas de trame narrative, il est donc difficile de se situer, d’autant que notre mémoire est simultanément sollicitée pour reconstruire le réel. Et comme le principe de sténopé appliqué au cinéma rend les choses mobiles fantomatiques, au point de les faire disparaître, on comprend mieux que les rues se vident, et je préfère penser à un rescapé de cette civilisation quand je rencontre Jerzy W. Sulek en train de faire sa sieste à même le trottoir sur Franklin street à Brooklyn.

Quelle importance joue la musique dans ton film ? Quels rapports établis-tu entre la musique et l’image ?
J’entretiens, depuis toujours, un rapport intime entre musique et image. La musique «fabrique» des images dans ma tête. Sans doute parce que je ne suis pas musicien et que je la décode comme je décode les images. Lorsque j’ai rencontré Philippe Lambert (Smooth One), il m’a fait écouter sa musique et nous avons longuement parlé des musiques que nous aimions, nous avons voyagé à travers sa musique et sa discothèque. C’était comme si nous refaisions ensemble le voyage à New York. C’est comme ça que j’ai choisi de lui confier la composition de la musique du film.

Cette musique joue un rôle important dans ce film car elle colle aux images muettes que j’ai filmées. J’ai plus l’habitude de mettre des images sur une musique. Ici la musique a été composée après avoir fait les images (ce qui est normal pour un film), mais pour moi c’était nouveau pour un tel projet. De plus Philippe a parfaitement su intégrer les prises de son que j’ai réalisées à New York, comme un lien entre les images et la musique.

Là, on touche à une partie du travail sur le son qui est moins connue du reste de ce projet. Je me suis posé la question suivante : «comment ramener un son témoin de la ville, enregistré numériquement, dans un projet qui utilise un moyen archaï;que pour filmer ?» D’un côté, j’ai une caméra avec pour tout objectif un simple trou par lequel les ondes lumineuses entrent pour être «enregistrées», de l’autre, j’ai un micro-cravate avec un Mini-Disc numérique. Le mélange de ces deux technologies m’a de suite gêné, même si le grand écart entre les deux m’amusait.

Le problème s’est solutionné, une fois de plus, par hasard. J’étais en train de filmer la scène du travelling le long de la piste cyclable, entre l’Hudson River et le périphérique qui enjambe un terrain vague. Le bruit des voitures qui roulait au-dessus de ma tête était déjà comme une musique. Arrivé en fin de plan, j’ai cherché un endroit pour me mettre à l’abri du vent afin de réaliser une bonne prise de son de ce vacarme qui roulait sur le toboggan. Rien à faire, j’avais toujours un sale souffle dans le casque, et c’est en m’approchant de l’une des piles en béton (que je longe tout au long du travelling) que j’ai remarqué ces trous à la base de la pile pour passer des élingues. Instantanément, sans même me demander si le micro pouvait passer dans ce trou, je l’y ai fait plonger sa tête.
Le geste que je venais d’avoir était encore pour moi une bonne intuition. J’aurais pu m’acheter une bonnette spéciale pour protéger le micro du vent et revenir faire ce son seul. Au lieu de ça je me suis accommodé, j’ai fait simplement avec ce que j’avais sous la main. Au final, j’utilise la même technique de capture pour le son que pour l’image. En abritant le micro dans un trou, les ondes sonores que j’enregistre ne sont plus celles que j’entends, mais celles qu’on peut entendre au fond du trou. A partir de ce moment, j’ai enregistré la ville à travers ces trous… Ce sont ces sons distordus, vrillés, cisaillés, modifiés dans leur perception, comme les images, qui ont été samplés par Philippe pour venir témoigner à la même hauteur que celles des images de la musique et du timbre de la ville. Pour moi, le travail de Philippe a été la part de surprise la plus étonnante dans ce projet.

Comment as-tu rencontré Jerzy W. Sulek, le sans-abri ?
J’avais remarqué un pick-up sur lequel était entassé tout un bazar de choses récupérées dans la rue, comme des chaises, des tables… Ce pick-up était stationné devant un terrain vague grillagé, lui-même, encombré d’un immense tas de brocs, de mobilier, de vêtements. C’est en revenant pour filmer cet endroit que j’ai rencontré Jerzy. Il était allongé sur le trottoir, il semblait faire une sieste, à mon passage, il s’est réveillé. Tout en le dépassant je me suis décidé à revenir sur mes pas pour aller parler avec lui.
Les choses se sont enchaînées toutes seules, il m’a expliqué qu’il était architecte et que les deux seules choses qui lui restaient étaient son pick-up, dans lequel il dort, et son terrain, sur lequel il stocke les choses qu’il récupère avec son pick-up pour les vendre. Il a bien déposé un permis de construire à la mairie de Brooklyn, il y a cinq ans, mais il est conscient que lui l’architecte à la rue ne pourra jamais construire sa propre maison sur le seul bien qui le rattache à cette terre.

Dans d’autres travaux, comme le livre La Douceur dans l’abîme évoqué plus haut, en collaboration avec François Bon, tu donnes la parole à des exclus de Nancy en juxtaposant leur portrait photographique et le texte qu’ils ont écrit dans le cadre de vos ateliers d’écriture. Pourquoi donc ne pas avoir intégré dans le film les propres paroles de Jerzy W. Sulek alors que tu as pris la peine de t’entretenir avec lui, de recueillir ses mots ? Y a-t-il dans ce choix un rapport avec le fait que La Douceur dans l’abîmeW est en partie un livre de photographies tandis que new york zéro zéro est un film, et que cela implique deux rapports différents au temps et aux êtres ?
J’ai utilisé l’écriture du cinéma pour me permettre de témoigner autrement du regard et des paroles des exclus, c’est le propre du cinéma d’offrir beaucoup de liberté dans la manière de raconter une histoire. D’autre part, j’avais plus de deux heures d’enregistrement du récit de vie de Jerzy, difficile de ramener tout cela dans un film de vingt minutes. Mon intention au départ était d’enregistrer l’histoire de Jerzy pour la faire écouter à François Bon telle que je l’avais entendue, sans déformation, comme un témoignage de plus.
J’avais déjà décidé de confier la partie texte du film à François, ni lui ni moi ne savions la forme que le texte allait prendre. Le monologue que François Bon a écrit est comme une colère, cette même colère que l’on peut pousser lorsqu’on pose la question : «comment habiter la ville aujourd’hui ?». Ici la description de la ville dresse le décor dans lequel la parole de l’exclusion nous renvoie la même question.

L’une des scènes du film se démarque des autres : elle se déroule dans l’intérieur d’une chambre, avec un plan qui s’arrête – brièvement – sur ce qui ressemble à des fleurs séchées. Cet espace intérieur et cette immobilité (certes toute relative) évoquent un univers onirique, comme si tu ouvrais durant quelques instants une porte sur un lieu protégé et en même temps de plus en plus inaccessible dans le monde d’aujourd’hui. Cette notion de rêve et la présence de la chambre font songer à un autre de tes courts-métrages sténopés, Camera dei sogni. Quelle place occupe le rêve dans ton travail ?
Le rêve serait comme un moteur et le mystère son carburant pour voyager vers des territoires impossibles…

Le titre de ton film ne peut pas ne pas faire songer au site Ground zero lié aux attentats du 11 septembre 2001. new york zéro zéro : est-ce une manière de dire qu’en deçà de l’horreur terroriste, il y a une violence sociale du monde moderne bien plus radicale mais bien moins spectaculaire ?
C’est malheureusement bien aussi de ça dont il s’agit, même si je ne voulais pas faire un film lié aux attentats du 11 septembre, dans la mesure où j’aurais très bien pu faire ce film n’importe où. Mon choix de New York a été motivé par l’idée que c’est une ville dont tout le monde à une image en mémoire, il devient donc facile de s’approprier cette l’image et d’en partager les émotions, surtout depuis cette incroyable onde de choc à la suite du 11 septembre. Cette ville que je montre a valeur de ville pour toutes les autres ; c’est pourquoi j’ai enlevé les majuscules à New York, qui devient une ville commune avec le zéro zéro pour indiquer le commencement de quelque chose, mais aussi une fin…

Ton film refuse le spectaculaire : c’est en quelque sorte l’anti-Hollywood. Penses-tu que cela soit assez pour porter et faire entendre la signification politique et sociale de ton travail ? En somme, l’art peut-il se passer du spectacle dès l’instant qu’il présente une critique sociale ou politique ?
Je pense surtout que le social et le politique devraient s’occuper à se passer du spectacle de la misère.

Traducciòn española : Santiago Borja

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