Une fois n’est pas coutume, cette exposition montre de la peinture et de la peinture au sens le plus plein et assumé du terme, c’est-à -dire de la peinture intégrée aux problématiques contemporaines de l’espace pictural en général. Elle confirme qu’on peut penser la peinture avec des moyens qui ne sont pas nécessairement ceux de la peinture. Le « ton » est donné avec la pièce orange peinte à -même le mur de Bertrand Lavier et qui, ancrée à la paroi du fond de la galerie, colore l’ensemble de l’exposition d’une ambiance sixties-seventies que le Fauteuil et Carré de toile rouge de Jean-Michel Sanejouand ne vient pas contredire. Mais que l’on ne s’y trompe pas, c’est bien d’une exposition arrimée aux préoccupations de ce début de XXIe siècle dont il s’agit avec, en premier lieu, l’interrogation autour de la question de l’accrochage. Le drôle de disque en résine d’inclusion de Noël Dolla nous montre que des biscottes et des bonbons assemblés en composition et accrochés au mur forment un tableau ou un leurre de tableau même si, là encore, la technique n’est pas à proprement parler celle de la peinture elle-même.
Qu’on aille jusqu’à épuisement du motif avec la peinture de Bridget Riley où qu’on observe la picturalité de l’inscription au mur de Liam Gillick ; que le mobilier soit intégré à l’œuvre comme nous l’évoquions plus haut ou encore qu’il fasse œuvre chez Armleder qui récupère les pierres lumineuses au goût douteux pour les assembler en  » tableaux mouvants « , on s’aperçoit que penser la peinture dépasse largement le critère de la toile peinte et de l’espace pictural tel qu’il a pu être montré au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris avec l’exposition Urgent Painting. Ainsi l’exposition de la galerie Chez Valentin semble bel et bien interroger de manière relativement analytique mais tout aussi  » urgente  » les enjeux d’un art qu’on a voulu réduire à ses moyens et autour duquel il est temps de revenir de manière un peu plus dépassionnée.
Et si de passion il fallait parler au sujet de cette exposition, nous évoquerions la belle pièce presque baroque de Franck David, La Collection. De vieux miroirs sans cadres mais aux formes très variées remplissent le mur de la deuxième salle de la galerie. Posés au sol contre le mur, ils ne sont pas sans évoquer certaines pièces de Claude Rutault qui installait des toiles contre les murs offrant au spectateur la vision des traverses du châssis, un peu à l’image de ce que l’on aperçoit à l’arrière de l’Autoportrait de Poussin du Louvre. La collection de Franck David en serait comme le contrepoint : en renvoyant au spectateur sa propre image, il renvoie par la même occasion le collectionneur à son propre narcissisme, narcissisme qui lui fait préférer l’idée même de la collection à celle de l’œuvre. Alberti écrivait que Narcisse était l’inventeur de la peinture par le portrait, Franck David nous invite à une méditation du même ordre bien que distanciée par le biais de l’installation. Une peinture réfléchissante, en somme.
John Armleder
— 2 pièces sans titre, Furniture Sculpture, 2002. Pierres lumineuses en résine, bois, acrylique, système électrique. 170 x 122 cm.
Franck David
— La Collection, 2002. Miroirs de formes et tailles différentes posés au sol contre un mur.
Liam Gillick
— Wittes Learning and Studie, 2001. 23 lettres en aluminium découpé. 20 x 300 cm.
Bertrand Lavier
— Orange pour Corona et Tollens, 2002. Acrylique satinée. Dimensions variables.
Robert Malaval
— Fond bleu balayage, 1980. Acrylique et paillettes. 195 x 195 cm.
Noël Dolla
— Peintre 12/67. Toile libre et teinture. 145 x 145 cm.
— Triscottes et Haribo , 2001. Triscottes, bonbons Haribo, résine et hameçons. 31 cm de diamètre.
Bridget Riley
— Blue Return, 1984. Huile sur lin. 177 x 154,5 cm.
Jean-Michel Sanejouand
— Fulmen, 1964. Batterie, plastique.
— Fauteuil et Carré de toile rouge, 1966. Toile tendue sur châssis, fauteuil en skaï. Dimensions variables.