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Jean-Luc Blanc

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

De grands portraits peints très réalistes, brossés avec vitesse et virtuosité, à partir de documents photographiques extraits de toutes sortes de magazines. Une peinture subversive parce que figure tragique et ironique de la société du spectacle.

Les grands portraits peints de Jean-Luc Blanc sont disposés en regard les uns des autres comme autant d’images brossées avec vitesse et virtuosité, très réalistes, sans cadre. La photographie est sous-jacente: pour réaliser ces grands visages colorés, aux expressions parfois violentes, l’artiste se sert en effet de documents photographiques divers souvent extraits au hasard de toutes sortes de magazines (publicité, annonces, faits divers parus dans des publications médicales, scientifiques, de cinéma, etc.). Blanc travaille directement sur la toile, sans dessin préalable, à distance: la photocopie couleur du document choisi, dans une main; pinceau au bout d’une perche, dans l’autre main.

Cette nouvelle série succède à un ensemble de dessins sur papier; la toile et la technique de l’huile (on est frappé par l’odeur de peinture en entrant dans la galerie) sont ici utilisées pour une réunion de portraits qui semblent raconter une histoire mais qui affirment surtout leurs qualités d’images et d’images disparates.

Peints avec vivacité, immobiles, sans détail, sans cuisine picturale, les visages et les corps agissent directement sur le spectateur. Toutes ces têtes anonymes, solitaires mais rapprochées par l’accrochage, évoquent sourdement une histoire trouble dont les indices précis manquent. Des images nous font face, nous sollicitent tout en nous tenant à distance. Mixage, recyclage, fragment, références implicites : Jean-Luc Blanc détourne des images qui ont déjà un passé. Il les déplace, les « fatigue » ; il compile, réactualise du déjà-là. Le film Hiroshima mon amour (1959) de Resnais et Duras est à l’origine de son intérêt pour le fragmentaire : pour le rapport au temps et pour la force de l’imagination qu’il suscite. Selon Jean-Luc Blanc, l’oeuvre d’art est « une ruine de la réalité » et, de ce point de vue, la photographie est « une ruine superbe ». Le texte a aussi sa place dans ce travail, notamment avec cet extrait d’Hiroshima mon amour: « L’illusion, c’est bien simple, est tellement parfaite, que les touristes pleurent ».

Les textes et les images sont liés et décalés: l’image ment autant que le texte, l’interprétation du spectateur reste libre, et c’est peut-être dans le décalage que réside la liberté. L’image est une figure du pouvoir, et le pouvoir le plus fort est souvent le plus caché. La figuration, dans ses fictions les plus obscures et les plus lumineuses, possède chez Jean-Louis Blanc une présence obstinée et obsédante. Ses images ont de la violence, dans leur expressivité, dans la saturation des formes et dans la gestualité colorée qui les rendent à la fois persistantes et fugitives. La figuration en peinture montre une fois encore son pouvoir de séduction et les limites de ce pouvoir : ce ne sont que des images. La vie est ailleurs.

La peinture peut être ici subversive dans la mesure où elle se montre comme figure tragique et ironique de la société du spectacle : faits divers, exploration scientifique, « starification ». Ces visages humains sont les images d’images sous-jacentes, recouvertes, comme la peinture couvre le subjectile mais en montre aussi les dessous. Blanc est-il post-moderne? Il peint vite, bien, sans retenue, mais il a fait ses choix dans des archives éclectiques. Il aime la marge et l’éclatement de la chair picturale, sans recyclage.

Jean-Luc Blanc :
— Six peintures : Sans titre, 2002. Huile sur toile. 73 x 54 cm.
— Deux peintures : Sans titre, 2002. Huile sur toile. 150 x 150 cm.
— Deux peintures : Sans titre, 2001. Huile sur toile. 150 x 150 cm.

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