Jean-François Maurige
Tableaux 1982 —1983 — 1984
Jean-François Maurige, depuis ses premières œuvres, développe son travail sur les fondements de principes préétablis. Les voici:
«Son premier geste est d’agrafer sur le mur un morceau de toile rouge (…). La première contrainte de Maurige est le rouge. Ce n’est pas un signe de reconnaissance mais une manière d’en finir avec la couleur comme délectation, psychologie et symbole. (…) Maurige a choisi le rouge le plus pur et le plus neutre pour sa toile, en partie parce que c’est une couleur qui revient à travers ses recouvrements. (…) La couleur de la toile industrielle de Maurige ne risque pas de remonter des sous-couches vers la surface mais elle impose une mémoire et un temps.
Cette contrainte de la toile rouge nous renseigne sur un état d’esprit bien particulier à n’importe qu’elle activité artistique: il faut choisir son espace, le contenir à quelques données qui paraissent arbitraires ou dogmatiques mais qui sont les conditions sine qua non à l’élaboration de ce récipient qu’est une forme (…). [Selon Maurige,«la toile rouge, c’est pour poser dessus, comme Matisse pose une odalisque sur un décor, comme Newman pose la peinture (…), ça n’a rien à voir avec un problème de composition.»)
Quand il a agrafé un rectangle de toile rouge sur le mur, son premier geste est de le recouvrir de blanc, un blanc acrylique dilué qu’il passe en oblique à l’aide d’une brosse large. Cette peinture acrylique blanche a exactement la même résonance que celle du mur. C’est faire disparaître la toile dans le mur ou faire en sorte que le mur repasse sur la toile. Il y a donc ce premier tressage, c’est-à -dire ce premier jeu de dessus dessous. (…) La troisième opération consiste à détacher le rectangle de toile blanchie du mur, à le poser au sol, un sol de ciment criblé et d’effectuer un frottage qui a la forme d’une large bande verticale, à l’aide d’un morceau de peinture noire séchée. Là ce n’est plus le dessous qui revient dessus, c’est l’envers qui devient l’endroit. (…)
Quand Maurige en a terminé avec les constantes de son tableau: le recouvrement blanc et le frottage, il risque sur cette surface son élément le plus variable et le plus aléatoire. Plusieurs taches, flaques ou ronds de couleur rouge brique, rouge rose, rouge orangé ou rouge de Pouzzoles occuperont le devant. Ces taches, flaques ou ronds, ce premier plan en tout cas, situés de part et d’autre du frottage dont la verticale sépare le plan du tableau, il les nomme ses «figures». Elles décident, dans leur rapport au format, de la place du spectateur, c’est-à -dire d’un rapport d’agrandissement ou d’éloignement.» (Frédéric Valabrègue)