Fabien Simode. Votre nomination à la présidence du Palais de Tokyo est venue calmer les inquiétudes nées de la démission récente d’Olivier Kaeppelin. Quel est votre état d’esprit au moment de votre prise de fonction?
Jean de Loisy. Le Palais de Tokyo a une identité et surtout une vitalité qui existe et est déjà bien connue dans le monde des amateurs internationaux de la création depuis bientôt dix ans. L’État a été convaincu par le potentiel démontré et a acquis la certitude que donner plus de force à ce lieu en triplant sa superficie et en lui donnant les moyens d’être l’un des plus grands espaces consacrés à la création contemporaine en Europe rendrait d’infinis services à la scène française. Olivier Kaeppelin a formulé et mis en place les fondements de cette ambition, et ce projet qui est la suite de ce qu’avaient initié Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud voici dix ans, puis qui a été poursuivi par Marc-Olivier Wahler, n’est pas contrarié. De difficiles péripéties ont ému, l’équipe a tenu le navire, et dans dix mois ouvrira un lieu au service de la création, de la scène française, mais d’une façon évidemment ouverte sur la création dans le monde. Ainsi a commencé le 6 juin ce grand chantier confié aux architectes Lacaton et Vassal. Mon rôle est donc de faire en sorte que ce lieu soit celui des artistes, un lieu libre, réactif, profond et heureux.
Vous êtes d’une génération de directeurs et de commissaires déjà établis, ce qui peut susciter quelques inquiétudes auprès des jeunes artistes comme des jeunes curateurs. Que leur dites-vous pour les rassurer?
Jean de Loisy. J’ai toujours démontré, depuis le début de ma carrière, ma grande curiosité pour la découverte de jeunes talents. Je n’ai jamais interrompu les visites d’ateliers et le désir d’accompagner les explorateurs de nouveaux territoires. Je l’ai fait encore récemment, en concevant l’exposition de l’École des Beaux-arts («Le Vent d’après», 27 mai-10 juillet 2011), l’exposition des jeunes félicités de l’école, pour laquelle j’ai sollicité Ulla Van Brandeburg qui en a conçu la dramaturgie. Cette exposition a été, et c’est pour moi une évidence, traitée avec le même sérieux, bien qu’avec d’autres moyens, que la Monumenta d’Anish Kapoor.
Le Palais de Tokyo est d’abord un lieu consacré à la création d’aujourd’hui. Cela ne veut pas dire aux stars du moment, mais plutôt à ceux qui portent, par leurs recherches, leurs œuvres des enjeux indispensables à leurs contemporains. Cela ne concerne donc pas une génération, mais toutes. Par contre, cela signifie que ce n’est pas un projet consacré à l’histoire de l’art ou à divers rattrapages. C’est par leur capacité à mettre en turbulence la pensée, la création, les idées que nous avons du présent que les artistes de toutes générations seront invités à perturber notre compréhension de l’art, nos certitudes, invités à présenter des pistes nouvelles pour nos consciences. C’est donc bien l’art d’aujourd’hui qui m’intéresse, sans souci d’âge ou de génération.
Peut-on imaginer la création au sein du Palais de Tokyo d’une école pour les curateurs?
Jean de Loisy. Il existe déjà Le Pavillon conduit par Ange Leccia, qui accueille de très jeunes artistes et de jeunes curateurs. J’ai l’intention de développer cette activité, mais aussi de permettre à l’équipe curatoriale du Palais de mieux repérer et accompagner les talents émergents, venus d’autres parties du monde. Cela me permettra d’ailleurs de ne pas devenir prisonnier de ma génération, comme le deviennent beaucoup de commissaires d’exposition…