L’œuvre de Jean Claude Wouters est mise à l’honneur par la galerie Loo & Lou qui présente dans ses deux sites parisiens quatre séries de l’artiste belge, entre photographie et peinture.
Des photographies à la limite du visible
Un ensemble de photographies ne révèlent qu’au prix d’une attentive observation leur sujet. On distingue peu à peu, dans les teintes grises ou blanches quasiment uniformes, qui semblent se confondre avec les murs, les traits d’hommes et de femmes. Ces portraits ont été réalisés selon un procédé mis au point par Jean Claude Wouters, en s’inspirant des techniques argentiques du dix-neuvième siècle. Un procédé qui ne repose que sur l’exploitation de la lumière sur les surfaces sensibles du négatif et du papier photographique : les images finales sont créées en photographiant de nombreuses fois successives une même image source. Cette pratique inédite et très personnelle a pour but d’obtenir des tirages quasiment unis, dans lesquels le sujet photographié est presque invisible.
L’enjeu de ces portraits à la limite du perceptible est de laisser percer la lumière profonde des individus, leur être le plus intime. L’image originelle est débarrassée étape après étape de tout superflu pour être réduite à son essentiel.
Une autre série photographique offre un même rendu que les portraits : il s’agit de clichés de têtes de buddhas en pierre exposées au musée Cernuschi. Elle témoigne de l’intérêt pour le Japon de Jean Claude Wouters, qui pratique le bouddhisme zen depuis qu’il a quinze ans. Comme dans les portraits, les traits des bouddhas sont à peine visibles. Ces têtes qui ont été détachées du corps des statues et abîmées par le temps, deviennent ainsi semblables à des météorites tombées sur Terre ou de simples pierres, et font oublier la main de l’homme qui les a façonnées.
Ajouter de la matière pour transformer le sens
Deux autres séries suivent une démarche opposée à celle des portraits et des buddhas, en reposant non pas sur la soustraction mais sur l’ajout de matière. La première présente des détails du tableau L’Adoration de l’Agneau mystique, achevé en 1432 par les frères Van Eyck, qui ont été recouverts de gesso, un matériau rudimentaire utilisée pour apprêter les toiles. Celui-ci est appliqué au doigt puis au pinceau de peintre en bâtiment japonais, selon des gestes très libres, sans rigueur, qui entendent souligner le dynamisme des nombreux personnages du polyptique. Dans l’ensemble de Sanguines, de la matière rouge est ajoutée sur divers supports dont elles transforme le sens : sur un livre de Giotto ou encore sur un autre intitulé La peinture italienne des origines au 16e s.
En brouillant les limites entre photographie et peinture, les œuvres de Jean Claude Wouters proposent une démarche inverse des images qui inondent notre quotidien : plutôt que de montrer, séduire et manipuler, les siennes visent à révéler, au-delà de l’immédiatement visible, l’essence des êtres.