S’il est un chorégraphe capable de rendre magnétiques les icônes féminines, c’est peut-être Jean-Claude Gallotta (Groupe Emile Dubois). Avec Comme un trio (2018-2019), sous-titrée « d’après Bonjour Tristesse de Françoise Sagan », Jean-Claude Gallotta livre une nouvelle pièce pour trois danseurs, autour du roman publié en 1954. Empreinte de cet éclat douloureux, la pièce déploie son tourbillon de relations passionnées. Là où le désir tient aussi lieu d’assouvissement. Et ranimant quelque chose de la Nouvelle Vague française, qui à l’instar de la Movida espagnole aura balayé la France de Vichy pour l’une, l’Espagne de Franco pour l’autre, Comme un trio célèbre une forme de liberté. Ce goût lascif pour l’ennui bourgeois, un peu volage, à jamais jeune même dans son désenchantement. Et là où les mots de Françoise Sagan volent, rapides et incisifs, Jean-Claude Gallotta livre un trio hanté de littérature. Avec des personnages ranimant l’éternelle langueur de la Côte d’Azur.
Comme un trio de Jean-Claude Gallotta : d’après Bonjour Tristesse de Françoise Sagan
Pièce chorégraphique interprétée en alternance par Georgia Ives / Angèle Methangkool Robert ; Thierry Verger / Bruno Maréchal ; Béatrice Warrand / Naïs Arlaud, Comme un trio s’inspire de la dramaturgie relationnelle du roman de Françoise Sagan. « L’amour à deux, entre passion et dévergondage, l’amour à trois, entre délices et cruautés, l’amour à un, qui répond au beau nom grave de tristesse ». Ainsi s’esquisse la trame du spectacle. Comme un roman, comme un trio… Plutôt que de mettre des mots sur ces liens, Jean-Claude Gallotta les métamorphose en pas de danse. Un tango, une valse macabre, un slow en solo, des baisers à peine esquissés aussitôt empêchés… Le désir comme la jalousie affleurent, dans une danse aussi élégante que décalée. Et ramenant toute la substance de Bonjour Tristesse à une écriture de mouvements, rythmes et regards, Comme un trio se concentre sur les relations.
Une pièce pour trois danseurs, au parfum de tabac blond et Nouvelle Vague
Décor réduit au minimum, sur une dramaturgie de Claude-Henri Buffard Comme un trio évoque quelque chose du romantisme français des années 1950. Aucune promesse de lendemains qui chantent : ici la liberté et l’émancipation se paient au prix fort. Et si cela ne finit jamais bien au pays des amours plurielles, c’est pour mieux savourer le temps qui précède la chute. Femmes libérées, les héroïnes de Bonjour Tristesse se déchirent pour un homme au cÅ“ur imprécis. Elles virevoltent autour de lui, comme Don José et Escamillo autour de Carmen. Des rôles renversés, qui n’empêchent cependant pas la mort (ou la peine) promise à ceux qui enfreignent les lois. Et c’est bien ce qui captive dans ces amours capables d’aller jusqu’au bout. Mais cette célébration de la liberté sublime peut-être aussi celle, plus profonde, que l’écrivain.e va chercher au fond des mots. Ou le chorégraphe au fond des gestes. À savourer on the rock, en somme, dans le Festival Off d’Avignon 2019.