L’exposition « Je t’Âme © » à la galerie Patricia Dorfmann, à Paris, rassemble des tableaux récents de Raphaëlle Ricol. Cette exposition personnelle dévoile l’univers grotesque, fantastique et violent de la peintre française.
Des personnages burlesques et horrifiques
L’exposition déploie une galerie de personnages et de situations à la fois burlesques et horrifiques. Dans le tableau Tête Pubienne, un visage masculin apparaît à l’entrée de ce qui ressemble à la bouche d’une tête monstrueuse, une simple boule lisse couleur peau, sans yeux ni nez, qui paraît expulser l’homme comme s’il en accouchait. Dans un autre tableau, c’est un serpent qui s’échappe, gueule en avant, d’un corps humain. Dans l’œuvre intitulée La Belle et la Bête, une terrifiante gueule hérissée de poils et laissant entrevoir un alignement de crocs acérés fait face à un sein féminin.
Tous les tableaux de Raphaëlle Ricol partagent cet aspect effrayant et provocant, aussi fascinant que répulsif. A travers leurs récurrentes suggestions sexuelles et cruelles s’exprime une vision des rapports humains caractérisée par le conflit, la complexité et la difficulté. La relation à l’autre, souvent marquée par la crainte, est au cœur de son travail.
Le témoin et le monstre : deux figures récurrentes de l’œuvre de Raphaëlle Ricol
La représentation de la relation aux autres est parcourue par deux figures récurrentes et symboliques : celle du voyeur ou du témoin et celle du monstre ou du paria. La première s’immisce parfois sous la forme d’yeux écarquillés, désorbités ou multipliés comme dans le tableau Petite sur… ou bien sous la forme d’un appareil photographique. D’autres fois, c’est le spectateur lui-même qui devient le témoin involontaire d’un moment intime ou de la révélation d’un secret.
La figure du monstre découle de celle du témoin : celui qui a découvert ce qui devait rester caché devient gênant et subit le rejet, obligé de se taire ou au contraire d’exprimer ce qu’il a vu.
Un exorcisme qui désamorce des peurs universelles
Le rejet de l’autre et la volonté de se débarrasser d’un lourd secret prennent dans un tableau Sans titre une tournure particulièrement sanglante. On y voit de dos une femme vêtue d’un simple maillot de bain astiquer un amas de taches multicolores qui termine des traînées rouges. Dans cette multitude de touches de peintures poussées par le balai vers le fond vert dans lequel elles se fondent, se détachent deux mains qui suggèrent un épisode meurtrier.
L’Å“uvre de Raphaëlle Ricol semble relever d’une forme d’exorcisme qui consiste à mettre à jour la monstruosité et l’horreur habituellement cachées pour mieux les conjurer. Par ce processus, ses tableaux expriment et désamorcent sous le couvert de figures fantasmagoriques des peurs universelles.