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Je suis venu … j’ai vu … j’ai mâché des malabars …

PSophie Grappin
@17 Sep 2008

Pour les dix ans de sa disparition, Robyn Orlin rend hommage à César et procède à l’inverse d’une inhumation. Au lieu d’enterrer, de soustraire au regard, la chorégraphe exhume, recompose, restitue, interprète et réinvente la postérité du sculpteur.

De façon ludique, Seydou Boro collecte dans le public les matériaux nécessaires à l’hommage, en un hold-up qui dépouille le spectateur jusqu’à l’intimité de ses lèvres. En vrac : un sac, des centaines de chewing-gums mâchés, un trousseau de clés, des vêtements, des sous-vêtements de femme, une bague. Le détournement de ces objets donne à lieu à d’improbables apparitions. Sous ses airs de marabout de ficelle, le danseur parvient à ses fins ; le voici tout d’un coup Imperator, alors qu’un pas auparavant il parodiait encore les stances du reggae. Précisément surréaliste — la chorégraphie s’attache à reproduire les chemins parfois tortueux de la pensée — le discours corporel et spatial s’articule suivant une loi de communication, d’échange et d’offrande, en un mouvement centripète qui fait converger toutes les énergies vers le centre du cercle formé par le public.

À la Fondation Cartier, dans la plus petite salle de l’exposition dédiée à César, Robyn Orlin a imaginé, au milieu des œuvres, une parodie de séance spirite. Évocation et invocation au nom de César, création de figures fétiches reprenant l’œuvre du sculpteur, l’artiste se trouve ainsi salué sous de multiples formes.

À travers ce spectacle, l’œuvre comme l’homme subissent un traitement explosif, une stratégie de l’éclatement qui les fragmente en gestes (compression, expansion, détournement), motifs (le sein, la voiture, le pouce), vocable (« César » désigne peut-être avant tout un empereur ou une statuette récompensant les acteurs de cinéma). Ce faisant, la chorégraphe explore la notion de fétiche, au cœur du travail sculptural de César, pour se réapproprier non sans humour la démarche de l’artiste. Ainsi moqué, désacralisé, le fétiche, ce petit bout de matière que l’on se plaît à ruminer, peut parfois se réinventer voire même s’inventer à partir d’un rien.

Ainsi la magie opère lorsque la pièce s’achève sur une petite minute d’enregistrement d’un César jeune, s’amusant à danser autour d’une de ses sculptures, projetée quatre fois de suite. On reconnaît alors dans ces pitreries chaplinesques quelques attitudes mimées en début de spectacle, sorte de mouvements de boxe qui n’avaient alors aucun sens… Cette mise en place d’un déjà-vu aura pris une petite heure. En se rappelant l’instant chorégraphié, le public peut alors identifier l’archive comme étant « la danse de César ». La toute petite cellule gestuelle devient fétiche.

— Conception: Robyn Orlin
— Interprétation: Seydou Boro
— Consultant costume : Birgit Neppl

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