Pierre Ardouvin, Davide Balula, Elina Brotherus, Alain Bublex, Claude Closky, Philippe Cognée, Michel de Broin, Ara Güller, Shilpa Gupta, Valérie Jouve, Kimsooja, Peter Klasen, François Morellet, Jean-Luc Moulène, Melik Ohanian, Cécile Paris, Gwen Rouvillois, Sarkis, Daniel Spoerri, Nathalie Talec, Hervé Télémaque, Laurent Tixador et Abraham Poincheval, Barthélémy Toguo, Patrick Tosani, Tatiana Trouvé, Vladimir Vélickovic et Sabine Weiss
Je reviendrai. Parcours # 3 de la collection du Mac/Val
Dotée d’une personnalité unique et forte : la Collection du Mac/Val s’articule dans un nouveau “Parcours” construit comme une invitation au
voyage intérieur. Cet ensemble singulier offre l’occasion aux visiteurs de s’approprier l’imaginaire des artistes réunis dans une présentation inédite, intitulée “Je reviendrai”.
Peinture, bien sûr, mais aussi photo, vidéo et installation – ces oeuvres, issues d’une politique d’acquisition ambitieuse, exercent sur tous les publics un fort pouvoir d’attraction.
Le Mac/Val abrite une collection d’une diversité surprenante et unique, constituée depuis plus de vingt ans avec une ambition jamais démentie, dans une relation étroite et respectueuse avec les artistes.
Voyager, partir, quitter, emporter, imaginer, rêver, espérer, chercher, trouver, fabriquer, réaliser, revenir… des verbes d’action qui jalonnent ce troisième parcours de la collection, et qui racontent au fil des oeuvres une histoire, de l’art et de la vie.
Ce nouvel accrochage de la Collection du Mac/Val présente des oeuvres récemment acquises, inédites, ou encore des nouvelles productions liées à l’histoire du musée – aux artistes étrangers accueillis en résidence.
Il développe une approche originale qui met en exergue les histoires liées au mouvement, à l’exil, au voyage et au rêve – l’histoire des individus qui, de façon violente, subie ou poétique, entament un voyage au long cours, celui de leur vie.
Que poursuit-on, et que construit-on au bout du chemin ? Au fil du Parcours se dessine l’histoire de l’exil, de ceux qui ont dû partir pour fuir une terre brûlée (la grande peinture de Vladimir Velickovic porte ce titre).
Le départ de la terre natale anime aussi « Caraïbes » d’Hervé Télémaque et « Le bateau Kriegshatz » de Sarkis, accompagné des photographies d’Istanbul de Ara Güler : le bateau du départ, celui de la séparation, mais aussi les lumières de l’espoir et du futur.
Aller à la rencontre d’un futur incertain, chargé de sa propre histoire, est au coeur de l’oeuvre de Kimsooja. D’un calme hiératique, l’artiste se déplace comme une bulle d’air dans l’espace, aussi irréelle que dans ses performances « Needle Woman » (filmées de 1998-2001), au cours desquelles elle porte sa silhouette silencieuse dans les rues du monde.
A l’instar des peintures chinoises, son oeuvre vidéo est un art de la méditation. Un travail qui se nourrit à la fois d’émotions et de souffrances, d’un rapport troublant à l’exil. Pour sa résidence au Mac/Val, elle avait ainsi choisi un parcours symbolique du musée (Vitry-sur-Seine ) à l’église Saint Bernard (Paris).
Dans sa première partie, “Je reviendrai” raconte donc cette quête, autant d’une nouvelle réalité ou d’un futur autre que de la poursuite de soi. Les oeuvres relatent des espoirs traqués, tels des mirages (« L’île » de Pierre Ardouvin), de la traversée du territoire et du trajet comme vérification de sa propre présence au monde au fil des kilomètres (« Ryder Project » de Alain Bublex), du voyage immobile dans un ascenseur (« Expansion of a closure step 1 », de Tatiana Trouvé), pour une nouvelle appréciation de l’espace temps, pour un autre rapport à l’existence.
Le visiteur est convié à relier l’histoire collective aux histoires individuelles, à comprendre les raisons du départ, du choix de la France ou de cet ailleurs qui nous pousse à nous interroger sur les problématiques liées à la terre d’accueil.
Mais le voyage peut aussi être empêché ou rencontrer des contraintes, ce dont témoignent les oeuvres de Peter Klasen et de Barthélémy Toguo. Autant de signes de l’interdiction d’aller librement, de traverser les frontières.
Le voyage peut valoir pour lui même, comme en témoigne la valise d’enregistrement et de diffusion de l’ailleurs traversé de Davide Balula (« Concrete Step Memory Recorder »), telles les expéditions entreprises par Laurent Tixador et Abraham Poincheval : « Journal d’une défaite » est bien la chronique d’un périple, inabouti certes, interrompu à Verdun, mais entrepris pour la beauté du geste : tracer sur la carte un tour de France accompli.
Le transport, le déplacement sont aussi, et toujours, un mouvement réel ou juste un déplacement imaginaire, une quête personnelle et existentielle.
En suivant les personnages que Cécile Paris nous révèle, nous assistons à un retour sur soi, sur son histoire, et à une naissance aussi. Les souvenirs de voyages de Nathalie Talec sont encore plus personnels lorsqu’ils sont le fruit de la rencontre de son imaginaire et de la science que lorsqu’ils sont frottés à la réalité.
Mais le voyage appartient à tout le monde. Il peut aussi être celui du quotidien, d’un regard qui extrait au paysage banal son potentiel de merveilleux (« La fontaine aux amoureux » de Jean-Luc Moulène).
Il peut être aussi l’évasion du trivial, du trajet imposé, une forme de résistance chez Valérie Jouve (« Sans titre », avec Pierre Faure, » Time is working around Rotterdam », « Synopsis d’un territoire »). Le voyage impossible ou subi peut condamner à rester, comme le racontent de Pierre Ardouvin ou le « Tunnel » de Delphine Coindet.
Inévitablement, tout voyage entrepris trouve sa chute, rencontre une arrivée, se cogne au réel. C’est ce dont témoigne la longue
suite de photographies, entreprise en 2000 par Melik Ohanian et toujours en cours, « Selected recordings ».
Elle ponctue l’ensemble du parcours, comme un fil d’Ariane, tissant un lien entre ces départs et ces arrivées, entre le réel et le rêve, toujours chargé d’espoir. Des images sans paroles, sans légendes, des voyages, on ne sait où, ni quandune histoire sans personnages, faite de paysages et de géographie sans carte.
Un itinéraire impossible à retracer, et pourtant une histoire universelle, connue de tous ceux qui sont parti, et qui sont arrivés. Quelque part. Alors il faut construire, il faut que le rêve rencontre ce qui est.
Ce sont les projets de Archigram et de Peter Cook dont Alain Bublex s’empare pour les réveiller, les mettre à la lumière du présent, de notre paysage et de notre univers social. Ce sont les futurs possibles de Gwen Rouvillois, qu’ils soient terrestres ou martiens, des lendemains poétiques chargés sinon d’espoir, de possibles.
Ce sont des projets à taille humaine avant tout, des rêves à échelle d’homme, comme en témoignent les maquettes photographiées de Patrick Tosani. A échelle humaine, la réalité : la ville écrasante de Philippe Cognée, où l’individu doit creuser sa place ; les intérieurs du Val-de-Marne photographiés par Sabine Weiss, instantanés d’une réalité brutale, d’un rêve fabriqué, touchants d’humanité, des intérieurs qui pourraient
contenir « L’éruption du Weisuvoff », de la série « Le trésor des pauvres » de Daniel Spoerri, une oeuvre composée d’objets et de matières « kitsch », drôles et touchantes.
Cette présentation sera enrichie en cours d’année, comme l’ont été les deux précédents accrochages, eux-mêmes renouvelés plusieurs fois. De nouvelles présences d’artistes en résidence seront aussi l’occasion de ré-interroger cette collection.