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Je ne suis pas un artiste

Qu’est-ce qu’un beau mouvement ? Quels sont les déterminismes de la beauté ? Durant toute une nuit, danseurs, chanteurs et musiciens, accompagnés de nombreux invités, amateurs et passionnés, se lancent dans une expérience à travers le temps, qui transforme notre regard sur le corps et questionne la place de la danse dans la société.

Ambiance pop, parterre vert, costumes roses acidulés comme les friandises que l’on distribue à l’entrée…On croirait assister à une émission de télé qui reprendrait les premiers « Events » de John Cage et de Merce Cunningham.
Le spectacle, lui-même, est conçu comme un feuilleton, y emprunte les codes. Chaque chapitre est cadré. Sur scène, on s’échauffe pendant le générique, on défile, on interroge à la fin du résumé, l’épisode se construit et la narration suit…

Truffé de références historiques, le show expose les archétypes de la culture chorégraphique contemporaine : Vaslav Nijinski, Mary Wigman, Yvonne Rainer, Trisha Brown ou Xavier Leroy. S’y décèle des parcelles d’expression dansée, théâtralisée : danse contact, techniques de yoga, tectonique, barre à terre, danse du monde, performances etc.

Le beau est-il une affaire de collage et d’écart comme chez les dadaïstes et les surréalistes ? La beauté est-elle barbare, sauvage ? Obéit-elle, au contraire, à des règles précises, kinesthésiques ? Est-elle mathématique ou bien fille du hasard ? Se trouve t-elle dans la laideur, dans l’anarchie, comme le laisse penser les actions provocatrices de l’Autrichienne Valie Export ?

« On ne voit qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux » nous contait le Petit Prince dans notre enfance. C’est une évidence ! Qui arrive au bout de la nuit.
Nos catégories esthétiques viennent d’une histoire déjà longue issue de la philosophie de l’art. Héritage d’Athènes et de Rome, des présocratiques à Plotin — avec la Caverne de Platon et sa critique de l’art en tant qu’apparence — oriente notre jugement. Ne continuons-nous pas à contempler la Vénus de Milo, à parcourir les grands halls de nos musées ?

Cette exégèse de la danse est une réponse chorégraphique sur les origines de nos chocs esthétiques. Test scientifique, jeux de questions et réponses, quiz sur l’approche de la beauté…Le beau est à la fois harmonie, imitation, représentation, clarté, nature…
En se mêlant à des professionnels, les spectateurs (dont 25 viennent de la ville de Vanves elle même) troquent leur passivité contre une prise de recul critique sur les normes envahissantes de la société.

Le public est choyé et chaque pause est prétexte à une rencontre, un échange.
Pour le dernier chapitre, tandis que sur scène apparaissent un Père Noël déjanté et une ménagère délurée, l’assistance s’enflamme. Il est 6 h 00 du matin, c’est le dernier jingle, on en profite. Du coup, ça danse dans les gradins !

Ainsi, l’oeil du spectateur s’avise et se transforme. Il se laisse bercer au fil des chapitres par une lecture corporelle et scénique qui l’interpelle.
Et pour comprendre, absorber et s’émerveiller de cette mutation, il faut du temps. La danse, manifestation éphémère de la vie, ce spectacle, conçu sur la succession de fragments d’instants, permettent d’en construire l’éternité.

Scénographie : Constantin Alexandrakis
Chant : Alexandra Fleicher
Musique
: Joachim Latarjet, Bertrand Groussard, Stéphane Laporte, Damien Poncet
Lumière : Arnaud Koseleff
Costumes
: Emmanuelle Nizou
Vidéo : Pierre Cottreau
L’image : Julien Amicel, Mathieu Marguerin, Julie Perrin, Vincent Druguet

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