Chéri Samba, Cheik-Ledy, Jean Depara, Maitre Syms, Rigobert Nimi, Pathy Tschindele, Moké, Teppei Kaneuji, Keiichi Tanaami, Hiroki Tsukuda,…
Japancongo. Double regard de Carsten Höller sur la collection de Jean Pigozzi
Jean Pigozzi et Carsten Höller ont fait plus que se croiser, il se sont rencontrés. Ils ont éprouvé le sentiment d’une familiarité partagée sur de nombreux aspects de leur personnalité et de leurs activités.
Jean Pigozzi collectionne et photographie. La notion de «double» est au centre même de la vie de Carsten Höller et de son travail d’artiste. Il semblait naturel que leur rencontre débouche sur un projet commun dont la collection de Jean Pigozzi allait constituer le matériau, que le travail de Carsten Höller allait organiser.
Le projet était d’autant plus évident encore que la collection Pigozzi, connue depuis une vingtaine d’années comme l’une des collections d’art africain contemporain parmi les plus importantes au monde, est discrètement augmentée depuis quelques années par de nombreuses pièces de jeunes artistes japonais de moins de trente ans, et que le Japon et l’Afrique sont également parmi des références artistiques et culturelles les plus importantes de Carsten Höller.
A partir de cet ensemble de données Carsten Höller a imaginé avec Jean Pigozzi un projet d’exposition duelle, l’artiste et le collectionneur, le Japon et l’Afrique dont ils ont limitée la géographie au seul Congo pour construire une juxtaposition exceptionnelle qui annihile tout présupposé éthnocentriste ou dʼexotisme de mauvais aloi.
Carsten Höller a pensé lʼexposition à partir du principe du double et de la symétrie. Les artistes sont regroupés en deux groupes, une quinzaine dʼartistes congolais (Pierre Bodo, Chéri Samba, Pathy Tshindele, Depara, Cheik Ledy, Bodys Isek Kingelez…) et un nombre identique dʼartistes japonais (Natsumi Nagao, Nobuyoshi Araki, Akihiro Higuchi, Kazuna Taguchi,Teppei Kaneuji, Hiroki Tsukuda, Keiichi Tanaami, …).
Ces groupes sont mis en face lʼun de lʼautre dans lʼespace physique de lʼexposition qui est entièrement reconstruit comme une machine sensorielle et spatiale. Un long mur longitudinal droit de près de 40 mètres de longueur sur une hauteur de 5 mètres sert de surface dʼaccrochage aux dessins, peintures et photographes japonais généreusement distribués sur lʼensemble de la surface.
Il est interrompu à quelques reprises par des ouvertures qui donnent sur de petites salles aux formes découpées et de faible hauteur sous plafond qui sont réservées aux sculptures et aux objets. En vis à vis, un mur courbe de mêmes dimensions et ouvrant lui aussi sur de petites salles est attribué aux artistes du Congo.
La structure matérielle de lʼexposition est comme une machine à montrer les pièces de la collection dans une atmosphère bi-culturelle où les deux ensembles se co-pollinisent notamment au point de rapprochement le plus aigu du dessin de leur paroi.
Certaines parentés formelles ou visuelles seront ainsi mises en regard en en espace au plus proche les unes des autres. De cette structure, réel support dialectique, se dégage un sens, une interaction intelligente.
Cette architecture du double qui génère une co-existence de deux identités visuelles, culturelles et matérielles est au coeur du travail de Carsten Höller. La symétrie, le redoublement qui empruntent par exemple la structure des images des tests de Rorschach, organisent le déplacement physique, sensoriel et mental du spectateur. Il peut suivre le corridor central qui distribue les salles et lʼaccrochage, mais peut aussi en emprunter lʼenvers, son double négatif, et suivre un cheminement derrière les murs laissés bruts.
Lʼespace de lʼexposition devient aussi une machine spatiale, un environnement qui influe sur la perception de lʼespace de lʼexposition et de ses repères classiques.
Comme dans le Doubleclub de Londres et dans bien dʼautres projets Carsten Höller se défie de toute vision et de toute pensée unilatérale. Sa collaboration avec Jean Pigozzi et sa collection en soulignent encore plus lʼimportance et lʼintérêt.