Avec Pauline Thomas (2018), le chorégraphe belge Jan Martens (Cie GRIP) creuse la figure du double. Pièce chorégraphique en deux volets et pour deux interprètes, Pauline Thomas est aussi une pièce en deux temps. Interprétée par Pauline Prato et Thomas Regnier, l’ensemble se segmente suivant deux directions. La première partie est une reprise d’A small guide on how to treat your lifetime companion — une pièce écrite par Jan Martens en 2011. Pouvant se traduire par « Un petit guide sur la façon de traiter son compagnon de vie », le duo parle d’amour et de couple. Thème universel s’il en est, cette première performance a marqué le début de sa carrière internationale. Sept ans plus tard, Jan Martens la reprend en lui adjoignant un second volet. Avec cette question de savoir s’il est possible de composer un duo homme / femme sans parler d’amour.
Pauline Thomas de Jan Martens : une double pièce, du couple au duo
Dans un espace exigu, qui pourrait être un ascenseur, une cabine, une caravane ou une cuisine, un homme et une femme sont face à face. Avec A small guide on how to treat your lifetime companion, Jan Martens scrute les gestes de l’amour. De la tendresse au conflit. Entre empiétement territorial, attraction, agressivité, indifférence, répulsion et désir, le duo déploie un panel de gestes troublants. Et réduit à quelques mètres carrés, l’espace entre ces deux corps est empli d’électricité, qu’ils se touchent ou non. Il suffit parfois d’un infime flottement. Un geste légèrement plus appuyé qu’escompté, un mouvement un peu trop brusque… Et de rythmes en gestes, de vêtements qui s’échangent en yeux qui se ferment, tout devient évocation. Pour ne rester qu’évocation. Car ce que creuse ce duo, c’est l’ambiguïté. Pour Pauline Thomas, Jan Martens a ainsi choisi de reprendre la pièce sans lui apporter de changement.
La figure du double : seul, Ã deux, ou sur les ritournelles de Perfume Genius
C’est avec la seconde partie qu’apparaît la distance. Si dans le premier volet les deux danseurs font bulle sans se soucier du public, dans la seconde ils sont, chacun, face au public. Et ils dansent, sur la musique de l’album Learning, du chanteur Perfume Genius. Une rupture consommée qui laisse place à une autre osmose, avec la musique cette fois. Totalement structurée sur cette composition sonore mêlant voix et piano, la seconde partie de Pauline Thomas s’éloigne de la figure du couple. Proposant ainsi dix tableaux chorégraphiques, pour les dix chansons de l’album. Et pièce intrinsèquement fragmentaire, à l’instar de son titre, Pauline Thomas tire son unité de l’ambiguïté. Car si Pauline Thomas semble désigner une seule personne, il s’agit bien de deux prénoms, pour deux interprètes distincts, dansant des pièces différentes. Jeux de flottements, Pauline Thomas explore ainsi l’ambiguïté : ce vecteur interprétatif qui permet de relier des éléments décorrélés.