En 2016, le chorégraphe australien James Batchelor a participé à une expédition polaire, conjuguant recherches scientifiques et artistiques. Un voyage de deux mois, dans les îles sub-antarctiques de Heard et McDonald. Fasciné depuis l’enfance par la grande masse blanche en bas des planisphères et autres projections de Mercator, James Batchelor a ainsi pu poursuivre sur le terrain sa recherche mêlant chorégraphie et exploration physique de l’espace, dans un milieu pauvre en repères fixes. Avant tout, les deux mois d’expédition se sont déroulés sur un bateau en perpétuel mouvement (roulis). Autrement dit, dans un univers sensoriel où le maintien de l’équilibre est le fruit d’un effort constant. Et où le temps et l’espace sont réduits à une portion délimitée par l’isolement et la répétition. De cette expérience hors norme, James Batchelor a ainsi tiré une performance chorégraphique : Deepspace (2016).
Deepspace de James Batchelor : expédition polaire, science et danse
Co-réalisée avec l’artiste visuelle Annalise Rees, également en résidence sur l’expédition polaire, la pièce Deepspace est interprétée par deux danseurs. À savoir James Batchelor et, en alternance, Chloe Chignell ou Amber McCartney. Sur un design sonore de Morgan Hickinbotham. Tandis que l’expédition scientifique avait pour but l’étude de volcans sous-marins dans leurs relations à la biosphère, la pièce Deepspace explore les liens entre sciences et arts. Ou plutôt, explore l’art et la science comme méthodes d’investigation de l’inconnu. En passant par le corps, le mouvement, le son, le visuel, Deepspace développe ainsi des stratégies soulignant les processus de collecte et d’analyse des données. Transcrivant tantôt le roulis, l’isolement, la patience… Tantôt la délicate attention portée au moindre élément découvert. En prenant le corps en mouvement comme outils de mesure. Entre distance et proximité, connexion et isolement, certitude et doute.
Du roulis à la collecte d’éléments singuliers : une chorégraphie de l’exploration
Pour point de départ au projet Deepspace, James Batchelor s’était posé la question du corps comme carte géographique. Un rapport charnel aux choses tout d’abord contredit par l’océan. Car si celui-ci était le seul point d’attache, jour et nuit, pour autant ce contact demeurait plutôt visuel. Après avoir réussi à se forger une connaissance intime de la mer (couleurs, motifs et mouvements…), James Batchelor s’est ensuite attaché aux sensations. Tout déplacement sur le bateau impliquant par exemple de se tenir pour garder l’équilibre. Avec un permanent et rapide changement de plan, d’orientation, d’oblique. Un environnement physique suffisamment prégnant pour que James Batchelor se mette à re-explorer par le menu les rapports corps / environnement. Se plongeant ainsi dans une étude induisant le ré-apprentissage attentifs des gestes les plus ancrés (marcher courir, dormir, manger, respirer). Fruit de cette exploration en profondeur, Deepspace livre ainsi une autre approche du mouvement.