Chéri Samba peint comme on chronique. La palabre africaine correspond à l’agora grecque. Plus qu’une parole c’est une façon de vivre et de travailler. En France, impossible de signer un contrat sans passer par le dîner d’affaire; en Afrique, impossible de conclure une affaire sans avoir au préalable parlé de tout et de rien. La palabre appartient à cette culture orale qui fait dire que lorsqu’un vieillard s’éteint en Afrique, c’est comme si une bibliothèque brûlait en Europe. Chéri appartient à cette culture de l’oralité, sa peinture montre autant qu’elle dit. Ses toiles sont des unes de journaux, il prend la parole pour donner son avis. Il prend ses pinceaux pour rédiger ses pensées. A Londres, dans certains parcs, il est possible de prendre la parole et d’haranguer la foule. Juché sur une caisse en bois, chaque citoyen peut discourir, soliloquer à sa grâce.
Chéri se sert de ses tableaux comme de porte-voix. Comme un éditorialiste, il donne ses billets d’humeur sur le monde. Sa voix est celle d’un électron libre, il n’hésite pas à dénoncer les malheurs qui frappent de plein fouet son continent.
Peintre-conteur, il se transforme en polémiste en ajoutant à ses dessins des phrases écrites au pinceau. Franc tireur et essayiste, il dénonce l’argent-roi, le sida, le 11 septembre, la main mise de l’occident sur le marché de l’art, etc. Ses toiles, de grandes dimensions, ressemblent par leur naïveté aux fresques des grandes villes. Dans les deux cas, il y a la même volonté de vouloir témoigner, la même énergie de se mettre en scène.
Chéri est le héraut de son art, le porte-parole de sa vie, c’est comme interlocuteur qu’il se représente dans ses peintures. Figure incontournable, il est là à chaque fois présent, narrateur et acteur d’une vie qu’il déclame. L’ensemble des autoportraits sont comme les feuilles d’un journal intime écrit au quotidien. A travers ses prises de position, ses réactions, il donne des brèves de vie, des bouts d’histoires.
Le tout est malheureusement trop didactique et trop naïf. Le style est enfantin, la dénonciation ou la prise de position trop au premier degré. Tout est trop simple, trop prémaché, le tout est déjà digéré avant d’avoir été énoncé.
Si la pensée unique ou bien-pensante vous embête, vous risquez d’être servi, car les aphorismes du genre le « sida c’est pas bien » ou « l’Afrique est corrompue » sont florilèges. Le point de vue défendu est original, il vient du sud, mais il ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà .
Loin d’offrir une analyse ou un regard différents, il n’y a qu’une parole cousue de fil blanc qui s’exprime. Face à tant de naïveté, et devant une narration aussi simpliste, le fil de la lecture est souvent interrompu.
Il reste que ce peintre, de moins de cinquante ans, déclare son amour pour la peinture et la couleur.
Plusieurs très belles toiles le représentent dans des anneaux de peinture, quelques gouttes d’acrylique tombent de son pinceau. En ces temps qui font l’éloge de la photographie et de la vidéo, il est intéressant de voir de la peinture figurative et de vrais histoires écrites au pinceau.
Fait assez rare, ce peintre peint des visages et des récits. Entre information et art, il prend le pari de chroniquer son temps et ses contemporains, fait assez rare pour être rappelé.
Chéri Samba
– 42 tableaux Â