ART | EXPO

Jacqueline et Jean Lerat. Regards des photographes Véra Cardot et Pierre Joly

09 Déc - 08 Jan 2011
Vernissage le 09 Déc 2010

Les céramiques de Jacqueline et Jean Lerat rappellent que tous les arts concourent à la construction de l’esprit d’une époque. D’une époque qui recherche l’humain perdu dans la catastrophe guerrière, qui reconstruit avec rigueur et simplicité une nouvelle esthétique.

Jacqueline et Jean Lerat
Jacqueline et Jean Lerat. Regards des photographes Véra Cardot et Pierre Joly

« Il est de curieux détours et retours dans cette galerie la Box, dont les destinées ont été présidées jusqu’à sa mort par Jacqueline Lerat. Céramiste réputée, professeur à l’école nationale supérieure d’art de Bourges, sa curiosité et sa liberté lui ont toujours permis de conserver une grande ouverture sur le monde et sur toutes les formes artistiques. Sa fidélité à cette galerie en témoigne. Sa présence dans ces lieux, ses signatures liées au fonctionnement de l’association, ont été si familières à l’équipe, qu’aujourd’hui, nous ne pouvions, pour conserver son passage dans nos mémoires, qu’évoquer une atmosphère.

Avec leur fils, nous avons choisi de renouer avec un de leurs compagnonnages pour évoquer des moments précieux, de ceux qui passent et qui déroulent « une vie parallèle», comme elle le disait de son jardin.

Plusieurs reportages photographiques de Vera Cardo et Pierre Joly autour de leurs œuvres, en 1961, 1963, 1965, 1966 et 1981, rythment leur amitié et l’exposition de la Box.

Ces allers et retours entre le temps passé et celui de cette exposition, entre l’objet et ce qui concoure à sa conception, entre l’objet et ses représentations, distendent la réalité d’aujourd’hui pour titiller celle d’hier et réciproquement.

Ces glissements permanents d’une revue à une photographie, de l’objet à une sculpture représentée dans une revue, d’un tirage numérique à son original au tirage original argentique des mêmes photographies, rendent à chacun la liberté de butiner et poser, de temps en temps, son regard sur la surface solide des céramiques. L’exposition est une promenade «parallèle» dans une époque et dans les lieux chers à ces artistes.

Qui sont-ils? Jacqueline Lerat  commence à travailler la terre à Saint-Laurent-les- Macôn, entre 1941 et 1943. Une céramiste, ancienne élève de Gleizes, Ann Dangar vient les visiter. Elle y diffuse un esprit moderne. Jalouse de sa liberté, Jacqueline préfère rejoindre, en 1943, La Borne où elle est accueillie par Jean Lerat. Elle y travaille, durant la guerre, dans l’atelier de François Guillaume. En 1945, J. et J. Lerat s’installent dans leur propre atelier. Ils mènent une vie de céramiste et de professeur à l’école des beaux-arts de Bourges, partageant leur temps entre l’atelier, l’école, les rencontres et les expositions.

Que font-ils? Des céramiques d’une grande qualité plastique qui rappellent que tous les arts concourent à la construction de l’esprit d’une époque. D’une époque, qui recherche l’humain perdu dans la catastrophe guerrière, qui reconstruit avec rigueur et simplicité une nouvelle esthétique, plus radicale, plus épurée, cependant très sensible.

Les formes oscillent entre les figures humaines très touchantes, des maternités, des femmes assises, le couple attachant de J.J. Lerat, les animaux, sauterelles, crapauds, oiseaux, poules, dindons et les formes plus géométriques, plus radicales, mais tout aussi organiques. Les figures humaines portent leur silence, avec un regard profond et distant, alors que les yeux des animaux,  ceux qui n’ont pas suivi la folie humaine de la guerre, pétillent.

S’il ne reste que la vie organique pour porter la spiritualité de l’existence, d’un rapport au sacré comme lieu d’origine et de l’exigence de liberté comme horizon, et si l’humain ne peut y prétendre, seuls les gestes, les mouvements du corps, le monde végétal, animal et minéral, le peuvent.  Les vases aux formes organiques y parviennent.
Il est surprenant de constater que les fleurs séchées piquées dans les vases sont comme revivifiées par eux. Les céramiques carrés, rectangulaires, sont comme des hymnes à la matière vivante. «La vague» porte bien son nom.

Poser, avec autant de désinvolture, ces deux questions «qui sont-ils?» «que font-ils?» marque bien nos limites humaines, tout juste, peut-on effleurer une époque, un parcours, garder une odeur, une image, un souvenir, aussi vite qu’un parfum se dissipe. »(Stéphane Doré)

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