Entre pluie éparse de piano et figures chimériques aux allures paniques, Extinction of a Minor Species déploie un univers à la douceur apocalyptique. Pièce pour dix-huit danseurs, du chorégraphe italien Jacopo Godani, sur scène évoluent des créatures hybrides, entre pénombre et éclairs lumineux. Tandis que la composition sonore de 48nord (Ulrich Müller et Siegfried Rössert) distille nappes de violons, cliquetis, accords de shamisen (luth japonais)… Pour une pièce faisant naître une forêt de personnages aussi inquiétants qu’élégants. Dédale de plastique et tubulures métalliques, y gravitent satyres et nymphes, à la sensualité aussi lisse qu’animale. Corps presque nus, augmentés de prothèses contre-intuitives… Mouvements sophistiqués, proche de l’esthétique des insectes, mi-lents, mi-saccadés… Extinction of a Minor Species déploie une beauté mi-organique, mi-technologique. Pour un ballet (Dresden Frankfurt Dance Company) conjuguant perfection de la danse classique et plongée hallucinante dans un univers de créatures mutantes. Au phrasé chorégraphique tout aussi élaboré qu’indéchiffrable.
Extinction of a Minor Species de Jacopo Godani : la fascinante beauté du monstrueux
Avec Extinction of a Minor Species (2017), Jacopo Godani signe une pièce finement articulée, en trois parties. Comme un exosquelette à la complexité sans faille, chaque volet se compose d’une série d’actions. Faisant naître ici un unisson entre des créatures aux accents de mantes religieuses cyborgs. Ou présentant là des saynètes à la sophistication troublante, proche du bondage glamour. Pour une pièce cultivant une sensualité raffinée, capable de laisser entrevoir l’ambiguïté de l’avenir humain. Entre fascination pour l’augmentation des corps, et frisson médusé face à ces explorations aux lisières de l’inhumanité. Pièce en trois parties, chaque moment forme une sorte de poème interrogatif. Quelle est donc cette frontière où s’achève l’humain, où commence l’animal, le cyborg ? Les sous-titres des trois volets donnent le ton : « A Minor Extinction », « Premonitions of a Larger Plan », « Postgenoma »… Pour un trouble accentué par la grâce chirurgicale des danseurs.
Danse augmentée de prothèses : une hybridation sensuelle, mi-insecte, mi-cyborg
Pièce à la beauté contre-nature, Extinction of a Minor Species ausculte l’espace entre évolution et déshumanisation. En insistant sur le peu que cela requiert pour modifier un corps : un ligne peinte, un geste, une prothèse… Poussant l’esthétique jusqu’à l’inquiétant, Jacopo Godani scrute la communication corporelle. Composant ainsi, à partir de l’éventail des interactivités, aussi bien dans le monde du vivant que des objets animés, un langage singulier. Synthèse des diversités, Extinction of a Minor Species invite à questionner les critères de beauté. À l’aune d’une démarche chorégraphique prolongeant presque les travaux plastiques (photographiques, filmiques) d’artistes comme Orlan ou Matthew Barney. Tandis que sur scène, l’un des danseurs, augmenté d’échasses prosthétiques au mouvement inversé, dévore l’attention des spectateurs. Pattes de bouc mécaniques, pour cyborg aux allures de dieu Pan… Avec Extinction of a Minor Species, Jacopo Godani dévoile un hybris dionysiaque, d’une précision apollinienne. Encore plus monstrueux.