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Jachères improvisations

Jachères Improvisations est une pièce qui fait vaciller le réel par le biais d’un état de perception aiguisées. Le mur de fond est ouvert par un rectangle qui fait écran.
Dans l’obscurité se détache l’Image. Un long plan séquence qui s’ouvre sur une immobilité très proche de l’univers d’Edward Hopper.
La confusion entre vidéo et présence physique réelle joue un instant. Viennent ensuite des mouvements très ralentis, des postures qui ne cessent de ne pas rapprocher les deux êtres prisonniers de ce bel écrin, des meubles années 50 et de la moquette que l’on imagine épaisse. Leur enfermement, les casques sur les oreilles des spectateurs, la qualité hors norme de l’éclairage conçu par Yves Godin – des ombres fantastiques, des disparitions, une explosion de rouge comme une éclosion, les reflets projetés des interprètes – tout concourt à les maintenir en suspend, dans un temps étiré et un espace infini. Chaque tableau a sa propre profondeur de champ, ses propres reliefs. Au centre de cet espace, un matelas noir, deux places, reste vide le temps que dure la partition, les improvisations. Un objet qui semble matérialiser la béance, la blessure impossible à suturer entre l’homme et la femme derrière la vitre.

Dans le creux de l’oreille parviennent des murmures, des mélopées, des chants qui semblent chamaniques. Parfois un cri. Vincent Dupont modèle en temps réel sa voix qui atteint nos tympans. La distance, les filtres et pourtant, l’intime. Des cloches, des appels, quelques souffles. A la lumière tremblée ou claquante se mêlent des percussions, des sons électroniques, des sons synthétisés. Thierry Balasse compose une bande son électro-acoustique qui, ajoutée à la voix multiple du concepteur, constitue la troisième dimension de la pièce.

Tout d’abord, l’Image. Ensuite le mouvement, les vibrations sonores et lumineuses. Enfin, la parole. Parce que Myriam Lebreton et Éric Martin ne sont pas sous verre. Ils échappent à l’écran et sont remplacés par des traces vidéos. On se dit alors que la voix a été mise hors de son lieu d’origine, hors le corps jusqu’à présent. Les comédiens étaient muets, mués en hologrammes. La technologie, le mixage en direct, le modulateur de voix renforce au contraire la proximité charnelle avec Vincent Dupont. Éloignement – promiscuité, les frontières floutées disent une continuité étonnante. Les interprètes quittent leur boîte et nous offrent les mots de Christophe Trakos. Donne, une prière à je et à tu, une déclaration d’amour et de solitude, une splendeur.

Les Jachères de Vincent Dupont et ses complices ne sont pas de celles qui insistent sur le repos. Elles sont pleines, pleines d’on-ne-sait-quoi. Qui ne parle pas tout à fait, ne bouge pas tout à fait. Quelque chose qui croît dans l’espace dégagé. Un présent inattendu. Un trouble.

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