Liza Lou
Ixube
Dans cette exposition, Liza Lou, qui partage son temps entre ses ateliers de Los Angeles et la province du KwaZulu-Natal (Afrique du Sud), revisite un support artistique consacré — la toile du peintre — pour en faire le sujet même de son art.
A première vue, les douze œuvres rassemblées ici passeraient aisément pour des tableaux, et elles remplissent d’ailleurs les exigences du tableau, dans la mesure où
elles sont constituées de tissu tendu sur un châssis. Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la couleur et l’intervention de la main ne se situent pas en surface, mais s’insèrent dans la trame même de la toile, chaque œuvre étant composée de millions de perles de verre tissées de manière à créer un tout homogène.
Le mot «Ixube» en langue zoulou évoque la notion d’aléatoire, et c’est sur ce principe que l’artiste a bâti sa démarche actuelle. Dans son atelier de Durban (Afrique du Sud), Liza Lou mélange des perles de verre dans de grands bacs selon une méthode qui n’est pas sans rappeler la préparation des couleurs du peintre, puis elle en remplit des sachets afin de distribuer quelques centaines de grammes de chaque mélange aux femmes — regroupées en un collectif — qui vont les tisser en longues bandes. Elle leur donne pour instruction, entre autres, de ne laisser apparaître aucun motif discernable.
Au bout de plusieurs mois, quand les bandes tissées dans les townships du KwaZulu-Natal parviennent à l’atelier de Liza Lou, elles révèlent inévitablement de légères préférences des tisseuses dans le choix des couleurs et des techniques. L’artiste trie et assemble les bandes de manière à obtenir une surface homogène qu’elle tend sur un châssis en acier.
Les œuvres ainsi créées déploient un déferlement de couleurs aux variations subtiles et leur surface reste impossible à appréhender ou identifier d’un seul coup d’œil. A partir d’un matériau réparti au hasard, Liza Lou élabore des œuvres structurées et rythmées, des images pixellisées et en même temps vaguement impressionnistes. Son protocole lent et méthodique fait coexister le chaos et l’organisation. C’est ainsi que l’exploration d’une technique artisanale donne le jour à des œuvres épurées qui invitent à une méditation sur leur propre genèse et sur les formes aléatoires du beau.