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Ivan Chabanaud et Guillaume Dobbels

Pourquoi avoir choisi la référence au motel ?
Ivan Chabanaud. Dans les motels, il n’y a rien d’interdit contrairement aux hôtels où on ne peut pas se faire à manger par exemple. Le motel correspond à un hébergement plus libre.
Guillaume Dobbels. C’est un lieu de transition mais aussi un lieu de vie où l’occupant devient momentanément propriétaire de son espace. Ivan Chabanaud. Il s’agit aussi d’une référence et d’un hommage au cinéma. De très grands films se passent dans les motels. La grande partie des contenus de Selfworld relève de l’audiovisuel ; le cinéma est notre ancêtre je dirai.

Dans les motels, les gens se côtoient et ne se rencontrent pas. Cela paraît s’opposer à la philosophie de votre projet.
Ivan Chabanaud. Les chambres sont comme dans un corridor. Les gens qui y sont hébergés n’ont pas forcément des choses à se dire. Par contre, les internautes qui viennent voir les personnes dans les chambres ont des choses à dire. Ils ont un accès direct. Ils peuvent intervenir dans la chambre, avec une vidéo et du son à leur disposition.

Comment les images des internautes prises par leur webcam s’incrustent-elles dans la chambre virtuelle ?
Ivan Chabanaud. Chacun place sa vignette correspondant à son image comme il le souhaite. Plus il y en a, plus elles deviennent transparentes, pour ne pas gêner la visibilité du flux principal.

Comment les différents occupants du motel sont-ils informés des événements qui s’y déroulent ?
Ivan Chabanaud. Le fonctionnement est basé sur la technologie du Web 2.0., qui contient beaucoup de processus automatiques. Ce sont les internautes qui construisent en grande partie le contenu du site. Les gens inscrits recevront des mails générés automatiquement.

Faites-vous un point régulier avec les artistes hébergés ?
Ivan Chabanaud. On porte encore beaucoup le projet. On a prévu un dispositif très simple, mais on doit aider de manière prononcée les occupants des chambres lors de la mise en place. On a deux-trois exemples d’installation autonome.
Guillaume Dobbels. A Montpellier par exemple, mais on leur a apporté de nouvelles fonctionnalités pour disposer de 4 flux. A terme, les différents occupants doivent être autonomes pour présenter leur travail et communiquer. Une donnée essentielle : à partir de Selfworld, les personnes peuvent diffuser sur leur propre site web un flux vidéo qui en provient.

De quels soutiens financiers disposez-vous ?
Ivan Chabanaud. Essentiellement [ars] numerica (ndlr centre européen des arts numériques installé à Montbéliard en Franche-Comté et rattaché au pôle multimédia de la région) et ma structure chabalab (ndlr association dédiée aux nouvelles technologies dans l’art), pour le gros du développement, du matériel et des tests.
Guillaume Dobbels. [ars] numerica a invité Ivan Chabanaud cette année pour une résidence de 5 semaines. Hormis cela, tout repose sur lui. Ivan Chabanaud. Via chabalab, j’ai pris un abonnement sur un serveur dédié, qui permet d’avoir un dispositif totalement autonome, que l’on maîtrise complètement. Il resterait à effectuer dans les mois qui viennent le portage entier du système sur des logiciels libres GPM. La communauté française utilisatrice est de plus en plus importante, ce qui permet une meilleure stabilité et d’être plus alléchant au niveau des investissements. Je tenais à une période de latence pour explorer et expertiser toutes les situations possibles. Notamment avec une artiste sur un procédé de rencontre de forum audio. Le dispositif Selfworld n’apparaît pas forcément dans le travail de l’artiste. En échange, celui-ci est hébergé sur le site. Il s’agit d’un projet de discussion en ligne complètement ouvert, où sont associés des sociologues.

Comment s’est diffusée la connaissance de l’existence de Selfworld parmi les artistes ?
Ivan Chabanaud. Le site est bien référencé. Par ailleurs, je le présente lors de workshops auxquels je participe. Mais il apparaît encore complexe d’utilisation pour les artistes, même si on a visé la simplicité. Se pose aussi le problème du choix de la personne gestionnaire pour les compagnies, entre les gens de la communication ou de la scène.

Plusieurs types de réactions des occupants ont dû apparaître, y compris l’utilisation gratuite sans coopération ?
Ivan Chabanaud. L’objectif fondamental est d’augmenter conséquemment l’audience et le trafic du site. On peut prêter des chambres ponctuellement en conservant la base d’un fonds culturel. Par exemple pour de l’événementiel avec de grandes marques. Le dialogue peut être très fructueux.

Des pratiques non prévues ont-elles vu le jour ?
Guillaume Dobbels. Il y a une ligne directrice éditoriale dont Ivan Chabanaud est le garant. Ivan Chabanaud. Les propositions qui nous obligent à améliorer la manipulation du dispositif sont les bienvenues, notamment des agencements non envisagés. Il s’agit de le tester pour bien cerner où le verrouiller, pour permettre de travailler ensuite avec l’ensemble de ses possibilités.

Ce projet doit vous prendre tout votre temps ?
Ivan Chabanaud. J’ai une autre activité de scène et un travail avec des chorégraphes sur scène avec de la captation vidéo. Du point de vue artistique, Selfworld était réglé la première fois où on l’a mis en place. Lors de la présentation au festival Arborescence (ndlr à Aix-en-Provence en 2005) l’architecture était déjà là.
Guillaume Dobbels. On est actuellement dans le fonctionnement du système, navigation, services proposés aux internautes et aux occupants des chambres, fiabilité.

Ivan Chabanaud, comment avez-vous basculé dans le domaine du multimédia, après une formation artistique traditionnelle ?
Ivan Chabanaud. Je rends hommage à une belle rencontre avec les gens d’Art 3000 à Jouy-en-Josas. Je commençais à travailler les installations vidéo. A cette occasion, on a basculé dans le virtuel. Internet a déplacé le virtuel dans un autre monde, une autre galaxie. Dans ma démarche de création, je souhaitais puiser dans un endroit où il n’y avait rien, un endroit infini mais qui peut se réduire à la taille d’un baladeur.

Un dernier élément à évoquer ?
Guillaume Dobbels. L’idée à terme serait de faire une chaîne de motels. Que va-t-il se passer si on a besoin après-demain de 450 chambres ? Ca va devenir très lourd en termes d’interfaçage et de ligne éditoriale. Des structures, Le Cube à Issy-les-Moulineaux par exemple, pourraient avoir leur propre motel avec un interfaçage personnel pour diffuser leurs propres artistes. On vise une chaîne de motels avec différents patrons et donc différentes lignes directrices. On fournirait un serveur avec accès internet et le logiciel de gestion. Le système est ouvert à d’autres activités possibles. C’est vraiment le début, formalisé mais qui demande une meilleure lisibilité.

Voir: www.selfworld.net

Lire : Critique de Selfworld

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