Lors de ma première visite de l’exposition automnale de Gary Hill à la galerie In Situ / Fabienne Leclerc, la pièce occupant la salle d’exposition, Unconditional Surrender, ne fonctionnait pas. Au centre de la spirale blanche, des fils, une échelle, des outils, des lampes encombraient le sol. Dans le bureau, l’artiste était penché sur son ordinateur. Il semblait lutter mentalement avec un ennemi invisible. Il fixait l’écran, tapait quelques instructions, se redressait et recommençait. Une certaine tension était perceptible. Quand ce combat allait-il finir ? Qui de l’homme ou la machine allait l’emporter ?
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Quelques jours plus tard, la pièce fonctionnait enfin. Cette réussite apparut comme un soulagement à la fois pour Gary Hill, mais aussi pour la directrice de la galerie. Quant à nous, visiteurs, notre curiosité allait enfin être satisfaite.
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L’on pénètre dans la grande spirale, dans l’obscurité. Sur les écrans nous encerclant, de petites formes semblent s’approcher — de plus en plus grosses, de plus en plus vite. Soudain, dans un éclair, une roue lumineuse traverse l’espace, nous traverse. Elle est à présent de l’autre coté. Le flash est assez puissant pour nous éblouir et nous déstabiliser. Soudain, une autre attaque se profile. Puis une autre, qui nous surprend. Irrégulièrement, les roues traversent la spirale, pénètrent l’espace d’exposition. Elles semblent quitter la représentation. La nécessité de sortir de cette spirale se fait sentir.
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Après avoir esquivé les attaques des roues virtuelles, on découvre dans le showroom, ainsi qu’au premier étage, Up Against Down 1. Le corps de Gary Hill est morcelé. Les six projections dévoilent ses avant bras, sa tête, son buste et ses pieds. Le cadrage est serré. Les muscles sont contractés. L’artiste pousse une surface noire; il force. Des sons graves remplissent l’espace. Le volume est élevé ce qui crée une atmosphère étrange, pénible. Nous ne sommes plus habitués à l’inconfort.
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Avec Unconditional Surrender, Gary Hill nous place au centre de son dispositif — et il ne nous ménage pas. Les roues traversent l’espace, les flashs et les sons déstabilisent et facilitent le pseudo passage du virtuel au réel.
Dans Up Against Down 1, nous souffrons avec l’artiste et partons avant de savoir qui du haut ou du bas gagnera.
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Ces pièces méritent d’être expérimentées. Il faut se tenir dans l’espace de la spirale et voir — presque sentir — les roues traverser notre corps. Il faut monter au premier étage, dans cette toute petite pièce, sentir les vibrations de l’effort. Ces pièces ne se racontent pas, ne se voient pas, elles se vivent.
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Ces jeux dans l’espace, ces petites violences, ces agressions, ces situations inconfortables ont été crées par Gary Hill. On se rend à la galerie pour les voir, pour expérimenter ces calculs. Néanmoins, lors de cette exposition, le plus intéressant aura sans doute été l’imprévu d’une situation : trois semaines de suspens, avant qu’Unconditional Surrender ne fonctionne. Une véritable lutte contre la machine. L’artiste contre le programme. La galerie face à son public. Cette lutte a été bien plus puissante que celles que l’on peut rejouer et prévoir. Un vrai combat, avec de vrais enjeux — voilà ce qui nous touche, voilà ce qui, cette fois-ci, a rendu la vie plus intéressante que l’art.
Gary Hill
— Loop Through, 2005. 2 moniteurs LCD, 2 lecteurs DVD, 2 DVD, 1 synchronisateur. Dimensions variables. Edition 4/5 + 1 E.A.
— Unconditional Surrender, 2008. Installation mixed media : structure circulaire en bois, structure en acier, 5 vidéoprojecteurs, 5 haut-parleurs, 5 stroboscopes, 1 synchronisateur des cinq projections, moquette noire et tissu noir. 250 x 615 cm.
— Up Against Down 1, 2008. 3 vidéoprojecteurs, 1 caisson de basse. Dimension variable.
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