Faut-il encore présenter Israel Galván ? Probablement, oui, car à force d’être associé au flamenco, son image chorégraphique frôle l’épuisement par le cliché. Fils des deux danseurs José Galván et Eugenia de los Reyes, Israel Galván a grandi à l’intérieur du flamenco. Mais il n’en perpétue pas les traditions : il danse et chorégraphie, envers et tout contre le flamenco. Avec son spectacle La Fiesta, Israel Galván revient ainsi sur son enfance déjà entièrement consacrée à la danse. Un peu comme un virtuose qui, à l’âge de la maturité, jette un Å“il sur le chemin parcouru pour n’y trouver que dévotion à telle ou telle discipline. La fête, fiesta, dans le vocabulaire d’Israel Galván, devient alors synonyme de travail. Et sur une création sonore de Pedro León, la danse contemporaine de La Fiesta égratigne à son tour tendrement le flamenco.
La Fiesta d’Israel Galván : une danse contemporaine, post-flamenco
Se penchant sur son éducation (de danseur et chorégraphe), Israel Galván analyse : « Mon père et ma mère, danseurs, se produisaient en duo, dans des cabarets, des tablaos, des salles de spectacles de variétés. Au moment du fin de fiesta, ce temps festif, libre et très rythmé qui conclut un spectacle flamenco, ils me faisaient venir pour faire un tour de piste, je n’avais guère plus de 4 ans. » Un souvenir d’enfant déterminé, dès son plus jeune âge, à devenir au moins le meilleur de son art. Mais là où Israel Galván bifurque, c’est dans l’infime trahison qui l’aura porté du flamenco à la danse contemporaine. Une cassure féconde, par où s’infiltre l’altérité. Proche du théâtre, La Fiesta déroule ainsi une histoire en allégories, faite de mélanges et d’ouvertures. Dans un décor minimaliste, composé de chaises et mini-scènes improvisées (type tables basses), les protagonistes dansent, chantent, s’observent. Parfois froidement.
Répétition des traditions et épuisement : inventer de nouvelles formes
Pièce pour neuf interprètes — Israel Galván, Bobote, Eloisa Cantón, Emilio Caracafé, Niño de Elche, Ramón MartÃnez, Alejandro Rojas-Marcos, Alia Sellami et Uchi — La Fiesta mobilise autant le sens de la fête que de l’observation. Mise en abîme, les vêtements y sont datés. Tel le jogging des années 1980, ce costume en nylon qui fait la fierté du prolétaire, comme la cravate en soie fait la fierté du bourgeois. La fête bat son plein : rythmée, codée, balisée. Chacun y tient son rôle, à l’écart des mélanges. Seulement, dans cette parfaite mise en scène se glisse un élément d’érosion. Une fatigue. « De ces fêtes, je garde d’abord le souvenir d’une immense fatigue, je voulais toujours dormir, mais elles ne s’arrêtaient jamais. » Et côtoyant l’épuisement d’un genre, Israel Galván s’empare de cette salutaire fatigue, qui pousse à inventer. Entraînant ainsi les spectateurs avec lui, de l’autre côté du miroir.