C’est entre rigueur et absurdité, dépouillement et humanité que le Bureau d’hypothèses, salle Michel Journiac, (Université Paris I) réouvre ses portes.
En tant qu’artiste invité, Stéphane Sautour propose une pièce inédite intitulée ISO 9000. Elle est constituée de sept tirages de plans encadrés de 130 x 110 cm.
Au premier abord, la rigueur des plans donne à voir des objets intitulés Ecran Total, Space Cake, Ram, Go, Dust ou encore Tank, déclinés de nombreuses façons : vue en plan, coupe, élévation côté, face, dos… Pourtant, pour le spectateur curieux, cette impression de rigueur laisse place à de nombreuses questions. Bien que l’on soit informé du fait que ces plans « représentent des dessins techniques d’œuvres déjà réalisées ou d’œuvres en cours de réalisation », on se demande ce que sont ces objets ou à quoi servent des plans si précis. La sur-cotation pratiquée par l’artiste finit par déréaliser ce qu’elle est censée déterminer. L’excès de détails, la sur-information confinent à l’absurde la pratique du dessin technique.
La norme ISO dont cette œuvre tire son titre est une base normative reconnue de façon internationale. En la détournant de son rôle fonctionnel et en exagérant ses consignes, Stéphane Sautour pose le problème du code, de la norme et de l’imaginaire qu’ils impliquent.
Ici, le plan se donne et se déréalise à la fois, il révèle ses propres lacunes et s’expose tel quel comme un objet hybride de passage entre l’imaginaire et le réel.
Dans un espace plus intimiste de la salle, Laura Houeix, étudiante en arts plastiques, expose deux panneaux photographiques noir et blanc, grands formats représentant une mise en scène de Vladimir et d’Estragon, personnages de la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot. Loin du travail de Stéphane Sautour, ces deux présences dépouillées et vacillantes ajoutent une part d’humanité à l’exposition.
Passagers hors-norme d’un monde où les mots perdent leur sens et où les paroles n’ont plus aucun rôle performatif, ils survivent dans l’attente. Dans ce travail Laura Houeix les prend au piège du cadre photographique ; ils sont figés dans une image. Ils attendent bel et bien quelque chose en regardant le spectateur d’un air dubitatif et ennuyé ou en méditant le regard dans le vague. Cette proposition qui radicalise le travail de Beckett cantonne ces personnages à une présence physique et esthétique en abolissant le rôle du langage.
Si différentes soient-elles ces deux interventions questionnent les codes (visuels, linguistiques) et proposent une vision ouverte et critique à la fois du pouvoir et de l’arbitraire de la norme.
Laura Houeix
— En attendant Godot, 2004. Deux tirages photos noir et blanc
Stéphane Sautour
— ISO 9000, 2004. Sept tirages photos. 130 x 110 cm.