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Is You Me ?

Is You Me ?, que l’on peut traduire par Toi est moi ( ?), prend comme point de départ la nature des relations qui unissent le chorégraphe et l’interprète. Ce vaste programme engage les danseurs dans un pas de deux qui génère par moments la confusion entre leurs corps, comme s’ils ne faisaient qu’un ou qu’ils étaient semblables. Jeux de costumes, qui masquent parfois les visages et surtout uniformisent les silhouettes, les réduisant à la figure androgyne du lutin, s’ajoutent à un travail graphique composé en direct par Laurent Goldring, qui déréalise l’espace en même temps que les corps.

À l’aide d’une palette graphique, le plasticien dessine à même l’espace scénique, par le biais d’un projecteur. Le décor, composé de trois pans verticaux délimitant le plateau dans sa profondeur et sa largeur ainsi que d’un sol rabattu vers le spectateur en une pente aigüe, forme une architecture immaculée, propre à accueillir des images, mais aussi à dissimuler des corps. Tirant partie de ces volumes et de ces plans, la chorégraphie s’organise à partir du décor, et semble parfois même surgir des figures tracées par Laurent Goldring.

Poursuivant le travail entamé avec la série des Bodymade — boucles vidéos visant à reconfigurer le corps et l’espace selon un ordre nouveau, propre à l’image vidéographique —, le plasticien fait de la scène un équivalent de son moniteur vidéo. Mais au lieu d’intervenir sur l’image par la voix, cette fois il le fait par le dessin, substituant ainsi le geste à la commande vocale (de celle-ci, il demeure toutefois quelques bribes, incorporées à la bande sonore par l’utilisation d’une synthèse vocale). On éprouve donc cette même impression d’assister à un travail en train de se faire, la main prolongeant les tâtonnements de l’œil. 

Or si les vidéos de Goldring fascinent et génèrent un hybride déroutant, ici la démarche plastique semble plaquée sur la chorégraphie. Il y a bien quelques circulations de formes, qui nourrissent le sujet de la pièce (suis-je cette silhouette qui est dessinée ; est-elle issue de moi et dois-je m’y conformer ?), un transfert qui s’opère entre l’homme, la femme, le dess(e)in …. Bref, tout un tissu de liens intellectuellement passionnants mais qui ne parviennent pas à rendre cette rencontre plus poétique. La synthèse ne se produit pas, malgré la musique somptueuse, la beauté de la danse et de ses interprètes. Sans doute parce que les dessins de Goldring n’ont pas le mystère de ceux de Picasso… Point, ligne, plan reconfigurent le spectacle sans y ajouter une spiritualité ou une grâce, qui pourtant transpirent chez Benoît Lachambre et Louise Lecavalier, lorsqu’ils ne sont pas écrasés ou recouverts par les gribouillages de Laurent Goldring. 

— Création : Benoît Lachambre, Louise Lecavalier, Laurent Goldring
— Musique originale : Hahn Rowe
— Décors et lumières : Benoît Lachambre, Louise Lecavalier, Laurent Goldring
— Costumes : Im Seonoc
— Projections : Laurent Goldring
— Lumières additionnelles : Philippe Dupeyroux
— Répétitrice : France Bruyère
— Interprétation : Benoît Lachambre, Louise Lecavalier  

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