Photocopie d’une reproduction de l’intérieur d’une cathédrale, loupes de lecture posées au sol, toiles aux couleurs maussades, courts métrages immortalisant des rituels gestuels au sens caché… Les Å“uvres de Varda Caivano et de Marie Cool-Fabio Balducci recèlent bien des mystères.
En choisissant la sphère abstraite, elles refusent la concrétude du réel et ses oppressantes perspectives. Or refuser est aussi une forme de résistance. Non pas refuser pour refuser, mais refuser pour faire valoir ce à quoi on ajoute foi.
Et ces croyances, ces espoirs, ces désirs n’ont nullement besoin de Dieu pour s’exprimer. D’autant qu’il a quitté (depuis toujours?) les entrailles de cette cathédrale dont Marie Cool et Fabio Balducci proposent une photocopie.
Sombre et indistincte, il n’y a plus rien à voir dans la maison du déserteur, si ce n’est son absence à lui.
Il faut donc accepter le vide, le flou qui naît de cette étrange condition qui est la nôtre. Les loupes de lecture, assemblées ensemble pour former sur le sol deux légers arcs de cercle, nous rappellent qu’à vouloir appréhender le monde d’un peu trop près, les détails auxquels on s’accroche finissent par accroître l’égarement initial.
Que nous reste-il donc à faire? Agir. Agir en s’intéressant aux objets qui nous entourent. Accepter leur étrangeté, ne pas tenter de les percer à jour. Poétiser la distance qui nous sépare.
Comme cette femme au visage inexpressif, dans le court-métrage de Marie Cool-Fabio Balducci, qui fait inlassablement tournoyer une lettre entre ses mains, comme si elle avait trouvé un moyen bien à elle de la lire, sans s’attarder sur le mensonge des mots.
Est-ce la même femme qui transforme de simples crayons noirs en vagues charbonneuses dévorant successivement la table qu’ils occupent? Ou qui laisse une bille en acier s’aventurer sur ce terrain glissant qu’est la table en bois laqué?
Laisser libre cours à son imagination, interpréter le monde de mille manières possibles, se laisser surprendre par les objets du quotidien, peut-être est-ce engager une véritable lutte artistique contre la froide objectivité qui règne en maître dans la société actuelle.
Les toiles énigmatiques de Varda Caivano empruntent le même chemin.
Est-ce la mer qui y est évoquée? Le ciel?
Quel que soit le paysage qu’elles suggèrent, ces créations abstraites attrapent notre regard grâce à leur forme, leur couleur et leur texture, qui font écho à des images ou des éléments qui nous sont familiers.
Ce sont les impressions des choses que Varda Caivano met sous nos yeux; impressions intimes mais partageables tournant le dos à l’intellect, frustré.
Au final, les œuvres abstraites de Varda Caivano et du duo Marie Cool-Fabio Balducci ont le mérite de décontenancer notre esprit trop habitué à être confronté à un monde «transparent», qui prône la limpidité afin de mieux appâter ses proies.
Et si créer des œuvres «inutiles», c’est-à -dire dégagées de cet utilitarisme cher à notre monde moderne, était un moyen de lui résister?
Å’uvres
Varda Caivano
— Sans titre, 2012. Huile et encre sur toile. 65 x 105 cm
— Sans titre, 2012. Huile et encre sur toile. 100 x 42 cm
Marie Cool et Fabio Balducci
— Sans titre, 2011. Photocopie d’une reproduction de l’intérieur d’une cathédrale. 34,8 x 48,5
— Sans titre, 2012. Loupes de lecture. A4
— Sans titre, 2009. Bille en acier (diam. 10mm), table. Video. 1 min 01
— Sans titre, 2011. Crayons noirs, table. Video. 1 min 41
— Sans titre, 2011. HD video. 5 min 30