Carl André
Iron
« Mon grand talent» déclare Carl Andre « c’est de choisir des matériaux et de les détourner ».
Pour sa 6éme exposition chez Yvon Lambert, l’artiste a choisi pour la première fois le fer, matière avec laquelle il a créé de minces plaques disposées à même les sols de la galerie. Juxtaposées et de même tailles, elles forment par leur assemblage des géométries sérielles. Posées bord à bord, ces plaques constituent des lignes traversant des salles vides, des surfaces carrées ou triangulaires que le visiteur peut fouler tel un sentier.
Ce dernier peut y percevoir autre chose que de simples sculptures qui ne projettent aucune ombre. En parcourant ces chemins, le visiteur explore le terrain, et prend conscience de l’espace que ces sculptures mesurent ou habitent telles des fondations imaginaires. Elles
permettent « de s’emparer de l’espace, de le tenir », et constituent « une sorte de sculpture comprenant un ensemble de tons » et l’artiste précise « – on peut l’assimiler à celui d’un piano – sur lequel ou avec lequel j’ai composé une partition. Comme je n’attache pas les
éléments entre eux, d’autres sont libres de composer leurs partitions sur ce piano de mon invention ». Le visiteur parcourant ces routes, produira par la résonance des pas sur les plaques de fer, comme sur les cordes d’un clavier, une musique aléatoire, toute personnelle.
A l’âge de 72ans, Carl Andre est l’un des derniers artistes du mouvement minimaliste fondé par Sol LeWitt, Donald Judd et Dan Flavin. Réaction à l’excès émotionnel de l’Expressionnisme Abstrait, il est devenu une force esthétique extrêmement influente.
Employant exclusivement des matériaux industriels, y recherchant leurs élégances – lignes, étroites, angles droits, et unités modulaires – sans intervention humaine, le minimalisme est le premier courant artistique à s’intéresser aux propriétés des matériaux tels que les lingots
d’aluminium, blocs de cèdre, le plastique ou les briques de feu. Carl Andre déclare à ce propos : « On parle de certains peintres comme des grands coloristes … ma palette, ce sont les matériaux industriels. Je suis avant tout un « matterist ». C’est ce qui m’intéresse entièrement».
Les oeuvres qu’il propose pour cette nouvelle exposition en témoignent : elles sont à échelle humaine, mieux, elles invitent le spectateur à se faire géomètre au sens noble du terme, à prendre la mesure de l’espace qui l’entoure, et ce faisant, prendre place dans le monde.
critique
Iron