Communiqué de presse
Zineb Sedira
Invitation au voyage
La galerie Edouard Manet présente «Invitation au voyage», première exposition personnelle de Zineb Sedira dans un centre d’art d’Ile-de-France. Artiste de renommée internationale, née en France de parents algériens, Zineb Sedira a grandi à Gennevilliers, avant de s’installer à Londres où elle entreprend des études artistiques. Aujourd’hui, elle partage son temps entre la Grande-Bretagne, l’Algérie et la France.
Ses premières vidéos, dans un style documentaire très dépouillé (cadrage serré, plan fixe et fond neutre), se nourrissent de son histoire personnelle. Devant la caméra, ses parents lui relatent des épisodes de leur vie. Au-delà de leur caractère autobiographique et du travail de mémoire qu’elles proposent, des oeuvres telles que Silent Sight (2000) Retelling Histories, my mother told me (2002), La Maison de ma mère (Algérie) (2003) ou encore Mother, Father and I (2003) traduisent une réflexion plus large et plus universelle sur l’identité, l’origine et l’immigration.
Dans Mother tongue (2002), l’artiste instaure un dialogue entre sa mère parlant l’arabe et le français, sa fille anglophone et elle-même maîtrisant les trois langues. Des silences gênés marquent les difficultés de compréhension entre les générations, la grand-mère et la petite fille étant séparées par l’usage de langues différentes.
Très vite, Zineb Sedira décentre son sujet. L’espace méditerranéen devient le support allégorique de ses questionnements sur la mobilité et le déplacement. Dans On a winter night, a traveller (2003), une installation vidéo composée de sept écrans, elle projette des images prises à travers le hublot lors d’un vol entre Londres et Alger. Saphir (2006) est son premier film tourné en HD. Présenté en double projection et empreint d’une certaine langueur, il affirme une orientation plus contemplative et plus esthétique de son travail. Une femme et un homme, l’une arpentant l’espace intérieur de l’hôtel Es Safir inauguré en 1930, l’autre les abords du port d’Alger, ont le regard pensif résolument tourné vers la mer.
Pour son exposition à la galerie Edouard Manet, Zineb Sedira a choisi de présenter des oeuvres récentes, photographies et vidéos, dans lesquelles la mer est le sujet central et récurrent. Floatting Coffins (2009), installation vidéo inédite en France, est la pièce majeure de l’exposition.
Un premier ensemble de photographies datant de 2006, Haunted House II, Framing the View II, Framing the View III et Framing the View IV, prend pour sujet des ruines architecturales coloniales, d’anciennes demeures bâties en front de mer. Si Haunted House II est une vue panoramique, les autres sont au contraire des recadrages sur le motif et sur la mer opérés par des fenêtres. Ces dernières, omniprésentes dans cet ensemble photographique, deviennent la métaphore du passage d’un espace à l’autre, redoublant ainsi la dimension symbolique de la mer.
MiddleSea (2008) constitue avec Saphir le second volet d’un triptyque en cours de réalisation. Ce film s’inscrit le temps d’un voyage en Ferry entre Alger et Marseille. Un homme impassible et secret, déambule dans les espaces déserts du navire, s’assoit sur une banquette ou regarde la mer accoudé au garde corps. A son silence s’oppose le son d’une radio. La temporalité du voyage est rythmée par l’observation du mouvement hypnotique du sillage, par des images de manoeuvres d’appareillage et d’accostage, signes d’un incessant balai entre deux états ambivalents d’un même désir, celui du départ et du retour.
Floatting Coffins se compose de quatorze écrans de formats différents répartis à cent quatrevingts degrés et de huit haut-parleurs sphériques suspendus dans l’espace. Un réseau apparent de fils, comment autant d’amarres, relie l’ensemble et l’ancre dans l’espace. L’installation constitue un dispositif environnemental dont la densité sonore favorise l’immersion du spectateur dans un paysage fragmentaire. Sans souci de narration, des plans fixes à la beauté obsédante rebondissent d’un écran à l’autre. Un navire échoué sur un banc de sable fait écho à un envol d’oiseaux. Aux flux et reflux de la mer, au déplacement d’un homme sur un radeau répond l’immobilité d’un paysage désertique dans lequel apparaissent les reliefs d’un ancien fort français.
Avec Floatting Coffins, Zineb Sedira extrait ses thèmes de prédilection du contexte algérien. Les images ont été tournées à proximité de Nouadhibou, ancien port colonial, situé au nord est de la Mauritanie. Les plages de ce site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, sont jonchées des épaves d’une flottille de pêche offerte par des pays européens dans le cadre d’accords bilatéraux, ainsi que de bateaux de commerces abandonnés à une lente érosion.
Nouadhibou est également connu pour être le point de départ des migrants clandestins vers les îles Canaries. Sans aucune information préalable sur le lieu de tournage du film, le spectateur de Floatting Coffins, soumis à une expérience esthétique et sensible, est balloté entre la désolation des motifs et la beauté des images qui, pour autant, sans se dévoiler, dégagent un fort potentiel suggestif. Elles évoquent la vie et la mort, les espoirs déçus de part et d’autre, la complexité des relations économiques, historiques, politiques et sociales entre pays riches et pays pauvres, et de leurs échecs.
Le titre de l’exposition, «Invitation au voyage», à la consonance baudelairienne, résonne comme la promesse – illusoire – d’un ailleurs où tout ne serait «qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté». Il oblige, d’une certaine manière, à une relecture des questionnements sur la mobilité, le déplacement et les migrations. «Mon travail, confie Zineb Sedira, explore les paradoxes et intersections de mon identité en tant qu’Algérienne et Française, et aussi en tant que résidente en Angleterre».
Il revêt aujourd’hui une dimension beaucoup plus large et beaucoup plus universelle. La mer incarne un espace transitoire vers un ailleurs. Elle est le véhicule de toutes les projections, réelles, imaginaires ou fantasmées. La beauté et la force des oeuvres de Zineb Sedira tiennent en leur dimension poétique. Elles n’affirment ni n’assènent aucune vérité, mais laissent au contraire une place importante au spectateur pour réévaluer la complexité des relations entre le Nord et le Sud à l’aune de la mondialité.
Commissaire de l’exposition: Lionel Balouin
Vernissage
Vendredi 29 janvier 2010 18h-21h.
Evénement
Rencontre avec l’artiste samedi 30 janvier à 14h30.