L’exposition «Inventions» dresse la palette de l’artiste sans doute le plus éclectique de France. Large et inspirée, elle a tendance à partir dans toutes les directions possibles. L’esprit d’escalier règne dans la tête du toujours vert Hyber, à l’image de Triple hélice. L’ADN de l’exposition est à chercher dans les forces vitales de la Nature. Allant au-delà de la peinture de paysage et de la nature morte, le peintre dresse une table de toutes les énergies créatrices et artistiques possibles.
«Inventions» est un labyrinthe qui propose un parcours à l’effet miroir. En bas de la galerie se trouvent des tableaux qui se retrouvent à l’étage. Matelassée et tapissée, la pièce du haut est un répertoire de formes qui reprend dans un style encyclopédique les expériences aperçues en bas. Le visiteur se doit d’être attentif ou dilettante. Il peut consulter à loisir ou simplement survoler l’exposition. Son libre arbitre est autorisé.
«Inventions» poursuit le travail entrepris par Fabrice Hyber sur les sciences et notamment la phytothérapie. On peut toutefois la voir dans la suite immédiate de l’exposition tenue l’année dernière à l’Institut Pasteur de Paris. La démesure avait été au rendez-vous. Sans y toucher, mais d’une manière volontaire, l’artiste avait investi totalement les bâtiments de la prestigieuse institution.
Sculptures et peintures prenaient l’espace à bras le corps mais permettaient une aération dans le parcours. Dense et léger était le tour de force gagnant de l’exposition. Pouvoir occuper un si vaste espace n’était pas quelque chose d’aisé.
Cette dualité depuis quelque temps se trouve également sur les toiles. L’utilisation et le mélange de matières opposées donnent des rendus aussi instables que saisissants. Devant le discours scientifique qui sous-tend tous les travaux se trouve un arbre qui peut cacher la forêt. L’utilisation d’une résine epoxy donne un glaçage aux toiles. Mais contrairement au vernis de la peinture à l’huile, cette vague translucide vient attaquer et fixer les pigments utilisés.
C’est avec un seau que l’artiste déverse sa couche de graisse diaphane sur la toile posée à plat. Le risque consiste à recouvrir le dessin, la peinture, de sa pellicule transparente. Jouant le rôle de fixateur, la houle qui s’abat sur le châssis vient parfois iriser la composition. Cette enveloppe, ce sarcophage de verre, vient cristalliser le travail du dessinateur.
«Inventions» est aussi l’occasion de travailler sur un canevas en forme de grille. Topologie infectée joue par exemple à fond la carte du quadrillage courbe. Ces lignes de forces, tracées au fusain, ressemblent aux courbes de niveaux que l’on retrouve sur les cartes d’état-major. Les lignes font référence à celles des frontières telluriques. Elles sont courbes et enchâssées. Elles forment un drapeau de pirate vichy en noir et blanc.
La figure du diagramme n’est pas loin lorsque sur la toile se retrouvent des morceaux de fusain collés. La série Confort moderne est plus rigide que les courbes de Topologie. L’aspect rectiligne est présent, mais également le volume. Mis bout à bout, ces morceaux de charbon font penser à des compositions à la Sol LeWitt.
Il y a des tomates et des oignons peints et même une balançoire à trois bras à l’étage. Le sérieux le dispute à l’amusement. La profondeur scientifique se mêle à l’amusement.
Å’uvres
— Fabrice Hyber, Emmêlé, 2011. Huile sur papier, fusain, pastel, collage et résine epoxy sur toile. 200 x 300 cm
— Fabrice Hyber, Tomate recomposée, 2011. Huile, fusain, collage et résine epoxy sur toile. 150 x 150 cm.
— Fabrice Hyber, Topologie infectée, 2011. Collage, fusain et résine epoxy sur toile. 300 x 200 cm.
— Fabrice Hyber, Tricéphale, 2011. Huile, fusain, collage et résine epoxy sur toile. 200 x 200 cm.