Les œuvres de Bhakti Baxter sont réalisées à l’encre noire diluée. Il y a dans ces aquarelles tout un monde en mutation et en transformation. Cette manière d’appréhender la feuille de papier par la dilution permet de confondre la forme et le fond. L’artiste multiplie les scènes qui sont autant de tableaux représentant des passages.
L’imaginaire est convoqué à travers des rêves qui se transforment en cauchemars. La même tâche d’encre se révèle à la fois féerique et démoniaque. A partir de la même matrice deux considérations différentes de la vie s’affrontent. Le vaporeux de la technique évoque autant la peinture traditionnelle chinoise que les taches utilisées dans les séances psychanalytiques.
Dans les deux cas l’esprit est invité à aller voir ailleurs. Dans un paysage asiatique le spectateur va vivre pleinement la peinture et le paysage. L’œil va parcourir le petit sentier, il va ensuite passer la rivière sur le pont, longer la cascade, escalader la montagne pour ensuite aller se perdre dans les nuages. Le trait du pinceau est un guide conduisant l’esprit à un état d’âme.
Le patient, qui a devant lui ces tâches d’encre, effectuera un chemin identique. Mais, au lieu de traverser un paysage imaginaire, il fera son périple dans une aventure intérieure qui lui est propre. Au fur et à mesure, la succession de ces images ne représentant rien, il va petit à petit se livrer et laisser cours à son inconscient. Il va petit à petit se dévoiler et soulever doucement le voile qui lui recouvre les yeux.
Il y a dans les dessins de Baxter un peu de tout cela. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’exposition intitulée Introspective, on cerne mieux les préoccupations de l’artiste. Dans les œuvres présentées, il y a toujours un antagonisme qui s’exprime mais qui n’est pas forcément immédiatement visible. L’encre se mélange sur le papier et forme des continents qui s’affrontent. La couleur noire est moins effrayante que les arabesques que dessinent cette encre qui se fracasse sur le papier comme un radeau de fortune.
L’atmosphère qui se dégage de l’ensemble n’est pas effrayante mais fantastique. On progresse dans ces références comme à l’intérieur d’un film de Tim Burton. L’ensemble est sombre, mouvant, instable, mais pas entièrement rongé par la noirceur. Les antagonismes restent en équilibre, ils s’affrontent à partir d’une encre de chine qui se fond dans tous les camaïeux de gris.
A l’intérieur de cette tourmente on retrouve des cadavres, des squelettes, des crânes en forme de mappemonde, en forme de carte des étoiles. Le ciel se découpe et se déchire à l’image d’un monstre imaginaire, un tronc d’arbre se transforme en mollusque, en escargot.
Les éléments du feu, de l’eau et de la terre se mélangent comme des forces telluriques capables de se confronter aux forces oniriques. Le lavis formé par l’encre noire permet à tous ces éléments de se rencontrer et de se mélanger. Chacun offre le revers de la pièce à l’autre. Chaque opposition est la possibilité de former un équilibre. Chaque personnage, chaque situation est balancée par un reflet différent.
Le dessin est assuré, il est précis même si le décor est plongé dans des irisations noires et des mouvements aqueux et gélatineux. Cette façon de procéder permet à une multitude de personnages d’apparaître et de disparaître dans un même mouvement. Le dessin est ici une vague qui emporte tout sur son passage.
Bhakti Baxter
— Deer Sphere, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 97,5 x 115,5 cm.
— Passionflower, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 57,5 x 67,5 cm.
— Self Portrait (Eyes closed), 2004-2005. Encre de Chine sur papier calque. 48,5 x 48,5 cm.
— Electron Diffraction Image #3, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 52,5 x 55 cm.
— Electron Diffraction Image #2, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 49 x 49 cm.
— Crypt Skull #2, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 42,5 x 42,5 cm.
— Crypt Skull #3, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 42,5 x 42,5 cm.
— Mouth of Truth 2005. Encre de Chine sur papier calque. 47 x 47 cm.
— Astrolabe, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 37,5 x 37,5 cm.
— Sea Creature (lamprey) 2005. Encre de Chine sur papier calque. 37 x 42 cm.
— Untitled (basketball struggle) 2005. Encre de Chine sur papier calque. 40 x 40 cm.
— François Edouard Anatole Lucas 1842-1891, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 32 x 26 cm.
— Artifact 2005. Encre de Chine sur papier calque. 29 x 25 cm.
— Skeleton in gree, 2005. Gouache sur papier calque. 48 x 54,5 cm.
— Transition revisited #2, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 53,5 x 66,5 cm.
— Owl Encounter. 2005. Encre de Chine sur papier calque. 182,5 x 122 cm.
— Three horned Chameleon 2005. Encre de Chine sur papier calque. 121 x 95,5 cm
— Untitled (Sea Tendril), 2005. Encre de Chine sur papier calque. 76,5 x 94,5 cm.
— Saint Statue, Antigua Guatemala, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 78,5 x 69 cm.
— Self Portrait on a slide in Muss Park, Miami, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 79 x 110 cm.
— Sea Horses making Love, 2005. Encre de Chine sur papier calque. 77,5 x 87,5 cm.
— An intelligible Sphere…., 2005. Mousse EPS, résine époxy, MDF, aluminium et pigment. 196 x 196 x 37 cm.
— In, through, and around all Things (inside), 2005. Encre de Chine sur papier calque, encadrement. Ensemble de 4 dessins indivisibles. 50 x 53 cm (chacun).