Fabrice Hyber
Interdit aux enfants
L’exposition, conçue comme un parcours en trois temps — l’index, l’aire de jeu, l’écran — offre au visiteur la traversée ludique des différents modes d’expressions propres à Fabrice Hyber: le dessin, les POFS, la peinture homéopathique, dans la continuité des dernières propositions de l’artiste à la Biennale de Lyon, au Palais de Tokyo, au MAC VAL et à la Fondation Maeght en 2013.
L’entrée de la galerie fonctionne comme un index: des dessins y sont accrochés au mur, annonçant de façon rhizomique et fragmentaire les thèmes développés plus loin. Un répertoire de formes-logos retrace une partie de l’univers de Fabrice Hyber. Evoquant le tableau d’affichage que l’on trouve à l’entrée des écoles où se côtoient sans logique une profusion de messages et de signes, l’accrochage renvoie également à cette activité enfantine et jubilatoire qui consiste à consigner graphiquement, sur le mode du coq à l’âne, tout ce qui peut traverser l’esprit. Il s’agit pour l’artiste de «raconter une histoire par tous les moyens sans valeur de support.»
Noyau central de l’exposition, l’aire de jeu donne accès à une cinquantaine de POFS adaptés aux enfants, variations et déclinaisons des célèbres «prototypes d’objets en fonctionnement» que Fabrice Hyber imagine depuis 1991 dans des versions spécifiquement produites pour l’exposition. Hommes de Bessines réalisés en légos, minis Ted Hyber, mini escaliers sans fin, ballons carrés couleur bleu et rose, doubles masques…
Transgressifs, les POFS nous invitent à redéfinir nos comportements. Tels des objets «interdits» détournés de leurs fonctions et transformés en jouets, ils nécessitent l’invention de nouvelles règles d’utilisation. Ils font de nous des enfants.
Un mur construit au milieu de la galerie assure la transition vers un espace d’ordre contemplatif. Fabrice Hyber y présente l’une de ses dernières peintures homéopathiques.
Série d’Å“uvres que Fabrice Hyber développe depuis 1986 à raison d’une par an en moyenne les «Peintures homéopathiques» cristallisent et mettent en perspective les questionnements de l’artiste sur une période donnée. Un réseau éclaté de dessins, de notes, de graphiques et d’objets s’y télescopent, l’ensemble se trouvant figé dans une résine époxy. Ainsi enrobé, ce récit devient plus facile à «digérer» pour le regardeur qui ne peut cependant l’appréhender que par petites doses, d’où le nom de peinture «homéopathique».
Pendant de l’univers concret, matériel, des enfants, ce monde en deux dimensions fonctionne comme un écran, sur le mode du virtuel et dans un rapport à l’imaginaire du spectateur qui peut déplier les images accumulées sur l’Å“uvre: croquis d’estomac, esquisses du «Prototype de Paradis» montré à la Biennale de Lyon, images de primates… s’y associent librement.
S’interrogeant sur l’échelle des Å“uvres, l’artiste y a fortement imprimé la marque de son corps, n’y peignant pas plus haut que son bras levé. Aux accents autobiographiques, ce tableau de grand format est également inspiré par la collaboration de Fabrice Hyber avec les chercheurs de l’Institut Pasteur pour lequel l’artiste a réalisé en 2012 une fresque monumentale intitulée «Sans gêne».
Comme souvent chez Fabrice Hyber, l’exposition «Interdit aux enfants» propose aux visiteurs plusieurs niveaux de lecture. Avec ce titre paradoxal, l’artiste saisit l’occasion de «montrer aux parents qu’il est un grand enfant». Il s’agit également pour l’artiste de donner à voir notre fascination pour les Å“uvres d’art, auxquelles il est «interdit» le plus souvent de toucher et qui sont pourtant bien souvent autant de «jouets pour adultes».