Dionisio Gonzalez nous immerge après lui dans l’univers des favelas brésiliennes. En ce milieu chaotique, la construction se fait au gré des nouveaux arrivants et au hasard des matériaux de récupération, dénichés dans les surplus du centre-ville.
Les photographies de Dionisio Gonzalez s’allongent sous le regard, comme un travelling frontal des façades de la favela. L’image décrit ces constructions hétéroclites avec la précision extrême d’un instrument de laboratoire. On les parcourt sur cinq mètres, l’œil rivé sur les traces de vie que portent ces chemins de terre et leurs habitations. La présence humaine est pourtant rare. Quelques véhicules sont posés là , on aperçoit un fil chargé de linge au hasard d’un reflet. Pourtant, les parois et les toits parlent d’eux-mêmes du «sauve-qui-peut» quotidien qui doit modeler ce paysage. Les couleurs sont vives. Presque irréelles. Est-ce l’ardeur du soleil ?
Devant ces photographies, on ressentira sans doute le souffle idéaliste qui s’échappe toujours des maquettes d’architectes. Celles-ci, tout comme celles-là , ont une part de factice. Dionisio Gonzalez a retravaillé l’image en ajoutant aux constructions existantes des modules architecturaux, sortes d’excroissances étrangement futuristes greffées pêle-mêle. La favela est évidemment un microcosme régi par des règles propres. Contrairement à l’urbanisme classique, « la structuration de la favela ne s’articule pas à partir d’un projet mais à partir de l’instrumentalisation d’un recyclage architectural aléatoire. »*, écrit-il. Au nombre de ses spécificités, on compte l’horizontalité, les matériaux de récupération, l’indifférenciation entre public et privé, la vie des communautés… Face à la précarité de ce monde périphérique à la ville, l’artiste montre qu’un progrès respectueux de son génome atypique est possible.
On comprend que la proposition de Dionisio Gonzalez est un réel engagement politique et social à l’encontre des plans de restructuration initiés par le président Lula en 2002. Une vidéo rend compte du «Projet Singapour» de «ré-urbanisation» et de «verticalisation» des favelas de Sao Paulo. Il est d’abord passé par la destruction de certains quartiers et a dénié tous les modes de vie locaux. L’esthétique même du film, tourné en travelling d’un bout à l’autre, en son réel, montre visuellement l’incohérence du projet. Les tours rose pâle, qui s’élèvent au-dessus des barbelés où sèche encore du linge, semblent plantées là par hasard. Personne aux fenêtres : les gens se baladent au pied des édifices. En l’air, le béton, le vide ; en bas, la vie sociale des habitants.
Ces tours de Babel voudraient-elles effacer leurs racines ? L’artiste propose, lui, une rénovation respectueuse qui assainirait et consoliderait structurellement les favelas. Il a conçu par ordinateur les structures de verre, d’acier ou de bois qu’il a ensuite disposées avec parcimonie dans ce capharnaüm photographique.
Une vidéo montre le dessin en 3D de l’un d’entre eux. Sur une bande-son captée dans les rues des favelas, la démonstration fait tourner la structure sur elle-même en détaillant ses aménagements intérieurs. La précision de l’architecte et la sensibilité intellectuelle de l’observateur sont réunies.
* Dionisio Gonzalez, www.maxestrella.comÂ
Dionisio Gonzalez
— Acqua Gasosa I, 2007. Photographie couleur, diasec. 180 x 900 cm
— Acqua Gasosa II, 2007. Photographie couleur, diasec. 125 x 416 cm
— Comercial Santo Amaro, 2007. Photographie couleur, diasec. 180 x 500 cm
— Nova – Heliopolis II, 2007. Photographie couleur, diasec. 150 x 300 cmÂ