Ismaïl Bahri, Taysir Batniji, Walead Beshty, Julie Chaumette, François Daireaux, Isabelle Ferreira, James Hyde, Bernhard Kahrmann, Jérémy Laffon, Jim Lee, Colombe Marcasiano, Vincent Mauger, Joris Van de Moortel, Paul Pouvreau
Intentions fragiles
Dans l’exposition «Intentions fragiles», la fragilité apparaît souvent dans une mise en tension des matériaux et à travers une recherche d’équilibre précaire. Certains artistes vont jusqu’à malmener la matière et la poussent à la limite de la rupture ou de la disparition. Dans certains cas, se pose l’hypothèse de la destruction même de l’oeuvre.
Ainsi les sculptures de Julie Chaumette partent d’objets existants, en l’occurrence des chaises, qu’elle meule jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que l’essentiel. La forme qui en résulte est d’une extrême finesse, qui devient un simple signe dans l’espace tel un dessin en volume.
La sculpture de Vincent Mauger semble à la fois menacée, cassée, ou même en voie d’être détruite, et menaçante avec sa forme défensive et ses bords effilés. Aux pieds de la sculpture des débris jonchent le sol, une massue est négligemment posée au milieu des décombres; tout porte à croire qu’il s’agit de l’outil de l’artiste qui aurait été interrompu en plein travail.
Dans d’autres cas, l’intervention est infime. Jim Lee dessine et peint mais surtout il rafistole, coud, recolle ou fabrique de très légères maquettes qui viennent s’agripper au mur donnant souvent une deuxième vie à des oeuvres déjà constituées mais dont une pliure, une brisure, demande à être accentuée.
La notion de durée est présente dans certaines oeuvres quand ce n’est pas elle qui directement les façonne, à l’image de l’incessant et ravageur goutte-à -goutte d’un robinet qui fuit sur des blocs de savon en les transformant en très élégantes sculptures, les Run ! Run ! Productivity, Run Away! de Jérémy Laffon. Cette exploitation du temps est aussi inhérente au protocole mis en place dans Dénouement, d’Ismaïl Bahri. Dans cette vidéo en plan séquence, le dénouement se fait à rebours: le film commence par une image incertaine, celle d’un tracé qui tremble tel un dessin en mouvement. Petit à petit, le procédé devient visible. Les dernières images se concentrent sur les mains de l’artiste qui finissent par remplir le cadre toutes occupées qu’elles sont à manipuler…du rien, du vide, ou presque: la matière dérisoire qui constitue l’image.
Au fil de l’exposition, plusieurs notions surgissent et s’entrecroisent: l’auto-destruction, l’oeuvre comme fragment de l’atelier, l’oeuvre soumise à des variations formelles ou temporelles. Ces oeuvres pourraient être qualifiées d’ouvertes, au même titre que la porte à double dormant installée par Marcel Duchamp dans son atelier. Grâce à un système D bricolé par l’artiste, celle-ci n’était ni exclusivement ouverte ni exclusivement fermée mais à la fois l’un et l’autre et faisait ainsi coexister les contraires. Ici, les artistes ont adopté une posture distanciée face au réel. Ils jouent des codes esthétiques et des procédés pour produire une réalité ambiguë, dont la rémanence la plus tangible est ce sentiment de fragilité.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Ornella Lamberti sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Intentions fragiles