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Inspiratoire.aspiratoire

En découvrant le plateau sans trace d’humanité, occupé nûment par trois aspirateurs, un pupitre garni d’une partition, un microphone perché sur un trépied télescopique et un ou deux HP, on se dit qu’on va avoir droit à un concerto bruitiste de derrière les fagots. Ou à un ballet animiste, machiniste, mécaniste, dans le genre de celui qui fut entièrement programmé à l’ordinateur par Geisha et Cottreau, Une Pièce mécanique (2009), dont on rendit compte en temps et heure sur votre site favori.

Le processus s’avérera plus ouvert que cela. Ne tarde pas en effet à faire son entrée et à se mêler à cet appareillage domestique l’auteur d’une performance proche de celles de John Cage and Co, aux débuts de la compagnie Cunningham (cf. la série des années 60 intitulée Variations, par exemple).

On assistera donc à une sorte de scène de ménage, un ménage à trois, celui d’une électroménagerie éléphantesque qui ne tardera pas à remuer la trompe et à barrir — on ne peut s’empêcher de penser ici au collage zoomorphique de Max Ernst, le célèbre Celebes (1921) qui date de sa période dada —, puis à quatre, avec l’arrivée du jeune gens, voire à cinq: l’acteur et son double.

L’inspiration ne suffit pas. Pas si facile, en effet de faire simple. Avec donc une idée de départ qui consiste à associer le souffle de l’aspirateur à celui de l’individu (voire au souffle divin !), bon an mal an, Jean-Baptiste Veyret-Logerias parvient à éviter les écueils de sa petite entreprise artisanale.

Les aspirateurs n’aspirent pas à grand chose, tout le monde sait ça. Ils n’aspireront rien de la soirée, pas plus qu’ils ne feront le vide dans leur tête puisque le danseur les aura réglés au contraire en position de soufflerie. Un électricien, hors champ, mettra la pression à distance, le cas échéant, au moyen de variateurs d’intensité.

Le poumon, comme le cœur, est un organe double: aspirateur et propulseur à la fois. La métaphore sera filée par les diverses interventions auxquelles se livrera Jean-Baptiste Veyret-Logerias. Il joue du tuyau comme un maestro yolngu. Son solo de danse, tout en flexions, s’accompagne de contractions et de « releases », de halètements de plus en plus puissants, jusqu’aux sons de la voix, à des bribes de poème lettriste puis à quelques sentences nettement articulées combinant en tous sens les mots de plein et de vide.

Le visage de l’acteur prend de plein fouet le jet d’air comprimé selon la méthode Kärcher. C’est assez terrifiant puisqu’il devient un avatar du jeune Fernandel à ses débuts dans les courts métrages de Braunberger des années 30. Ce passage est réussi parce qu’il montre concrètement qu’une onde peut être sonore et visuelle à la fois. Avec peu de moyens, Jean-Baptiste Veyret-Logerias arrive à produire un fantastique effet de morphing.

Jean-Baptiste Veyret-Logerias, Inspiratoire/aspiratoire, 2007.

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