Présentation
Sarah Bahr & Jérôme Mauche, Paul Bernard, Lionel Bovier, Marie de Brugerolle, Jeanne Brun, Tom Castinel, Jean Dupuy, Chloé Maillet & Louise Hervé, Raimundas Malašauskas, Claire Moulène, Jeffrey Perkins, Emilie Perotto & Sarah Tritz, François Piron, Julien Prévieux, Liutauras Psibilskis, Julia Robinson, Gilles Rouffineau, Bernhard Rüdiger, Mickaël Salvi, Denis Savary, Lise Soskolne, Emmanuel Tibloux, Lucille Uhlrich, Benjamin Valenza
Initiales 01. GM
Personnage multifacettes, né en 1931 en Lituanie, décédé à Boston en 1978, George Maciunas est le premier à inaugurer la galerie de portraits que la revue Initiales entend dresser à raison de deux numéros par an. Et de fait on s’engouffre avec lui, et à travers lui, dans cet angle mort de l’histoire de l’art, suivant à la trace la trajectoire maintes fois contrariée de ce second couteau à qui l’on doit pourtant d’avoir donné une identité collective à la nébuleuse Fluxus.
Présent partout, visible nulle part, Maciunas graphiste-théoricien-activiste-entrepreneur occupe tout à la fois une place centrale au sein du dispositif collectif, et un poste marginal en regard de l’histoire officielle et de l’immense notoriété des acteurs fluxus: Cage, Brecht, Filliou, Beuys…
Initiales G.M.: George Maciunas par la bande donc, lui dont le nom était peu à l’affiche– mais qui, comble d’ironie, réalisa une grande partie de l’imagerie Fluxus. G.M. comme curseur, qui permet de revisiter l’histoire et de jeter des ponts entre une œuvre, une pensée, des pistes explorées ou avortées et nos préoccupations contemporaines. G.M. comme script de ce premier numéro qui pose les fondements d’une réflexion sur la source et la transmission. A cette mécanique souterraine de la revue répondent les analyses historiques, les critiques prospectives, les fictions et les propositions visuelles de ses contributeurs.
Artistes, écrivains, théoriciens, historiens, critiques, curateurs apparaissent tous au premier plan, dans un souci de dé-hiérarchisation des régimes d’écriture, pensée en écho à la lecture débridée de l’histoire de l’art à laquelle la revue invite. Maciunas décomposé, constellé, recomposé: en un mot réinitialisé. Avec une voix off pour seule trame apparente, qui relie les textes les uns aux autres, à travers le fantôme de ce personnage ventriloqué.
Deux fois par ans, Initiales, revue produite et éditée par l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) de Lyon, esquisse les contours d’une galerie de «portraits en creux» en s’organisant autour de «figures-source», existantes ou fictives. Des figures d’artistes, philosophes, écrivains, architectes ou cinéastes dont le dénominateur commun est qu’elles ont «fait école» dans leur discipline et au-delà , dans les champs qu’elles ont investis ou traversés. L’œuvre, la pensée mais plus encore les méthodes déployées, les pistes explorées (et parfois avortées) ou les réseaux créés par cette figure de référence servent de sous-texte ou de script à chacune des livraisons.
Réunissant, à partir d’une même figure, une série de contributions centrifuges, Initiales met ainsi en jeu un usage de la source et une expérience du temps qui ne sont ni ceux de l’historien ni ceux du scientifique, mais qui sont à l’œuvre dans le travail de l’art et qui sont au cœur de la réflexion menée depuis 2004 par le groupe de recherche ACTH (Art contemporain et temps de l’histoire) de l’Ensba Lyon.
Organisée, à la façon d’une ellipse, autour de deux centres, un comité de rédaction interne à l’école et un comité de lecture qui lui est extérieur, Initiales rejoue en son sein l’hospitalité essentielle et féconde des écoles d’art et s’adresse aussi bien au champ de l’art contemporain et de la création d’aujourd’hui qu’au monde de l’enseignement et de la recherche– et plus largement à toute personne curieuse des opérations à l’œuvre dans la création, la pensée et la culture.
«Revue de Recherche et de création, Initiales fait le pari qu’une école d’art est aujourd’hui l’un des lieux les plus aptes à produire et organiser des formes et des pensées nouvelles, susceptibles de venir nourrir le débat et élargir le champ artistique. A cet égard, c’est une revue d’école, mais dans l’exacte mesure où l’école est un lieu de passage, de rencontre et de collaboration avec de multiples acteurs qui lui sont aussi extérieurs. Réalisée d’un point de vue graphique, par les étudiants du Master Design graphique, elle participe en outre de l’économie générale de l’enseignement à l’Ensba Lyon.
Il fallait pour le premier numéro, une figure qui pût à la fois susciter l’adhésion des principaux acteurs et avoir une symbolique forte: ainsi s’imposa George Maciunas, auquel le cinquantième anniversaire du mouvement Fluxus en 2012 donnait de surcroît une forte actualité. Figure polyfacétique et complexe, en laquelle se rencontrent les Etats-Unis et l’Europe, l’art et le graphisme, théorie esthétique, critique sociale et pensée politique, Maciunas est aussi le principal animateur d’un mouvement dans lequel s’ancrent deux aspects majeurs de notre contemporanéité. Etant, avec l’art conceptuel, à l’origine de la conception extensive de l’art contemporain sous laquelle nous vivons encore aujourd’hui, Fluxus peut aussi être considéré comme un grand initiateur de ce que l’on appelle depuis quelques années le tournant éducatif ou pédagogique de l’art, en vertu duquel l’éducation est envisagée comme une forme d’art et l’art comme une forme d’éducation.»
Emmanuel Tibloux, «Faire revue: un cas d’école» in Initailes 01. GM
Directeur de la publication et de la rédaction: Emmanuel Tibloux
Rédactrice en chef: Claire Moulène
Coordination graphique: Jean-Marie Courant