Matali Crasset
Infrasons
Coupes, vases, vide-poches?
En forme de haut-parleur, porte-voix ou corne de brume, ces objets se dérobent malicieusement à leur statut, jonglent entre l’usage et la représentation, obligeant celui qui s’en saisit à songer à ce qu’il va en faire, et c’est déjà une invitation à réinventer le monde.
Objets non identifiés, ils s’amusent à maintenir le doute sur leur fonction autant que leurs origines. Ils pourraient être les descendants d’antiques instruments de musique dont on ne sait plus sortir aucun son, autant que les prototypes de matériel audio high-tech que l’on ne sait pas encore faire marcher. Ce silence est trop mystérieux pour ne pas y tendre l’oreille et ressentir dans ce mutisme une tension palpable, générée par la tentative de synthétiser l’inconciliable: la fossilisation du futur, l’image du son, la matérialisation de l’onde, l’objectivation du mouvement (celui qui guide le corps pendant le tournage d’une pièce de bois).
Sans bruit, le son se propage. On ne l’entend pas encore, mais il s’agirait d’y prêter attention comme on se méfie de l’eau qui dort: les spirales pourraient bien suivre l’élan amorcé dans le bois, les objets uniques donner lieu à des séries. Alors, les scénarii se vérifieraient, les utopies prouveraient leur viabilité!
Damien Marchal les a vus…ces objets en cours de fabrication. Il a entendu les sons qui ont empli les ateliers des artisans. L’invitation qui lui est faite sous la forme d’une carte blanche, est l’occasion pour le plasticien sonore d’imaginer un dialogue singulier avec ces objets finis dont il connaît quelques secrets. Toujours en quête d’expérimentations, son goût du risque l’amène cette fois à faire l’usage exclusif de sa voix pour cette nouvelle performance.