ART | EXPO

Infernal Instincts

12 Mar - 23 Avr 2011
Vernissage le 12 Mar 2011

John Altoon, un des piliers de la Ferus Gallery de Los Angeles dans les années 60, dont la rapidité d’élocution scande le rythme du be-bop, affronte ici la fantaisie brute du funk art dans une bataille d’orchestres pour finir par se rejoindre sur l’estrade.

Communiqué de presse
John Altoon, Tony Berlant, Wallace Berman, Bruce Conner, Llyn Foulkes, David Hammons, George Herms
Infernal Instincts

Les dessins de John Altoon: lignes à haute tension
«Il faut d’abord apprendre à jouer de son instrument. Puis s’exercer, s’exercer, s’exercer. Ensuite, une fois sur la scène, tout oublier et faire gémir l’instrument. » Charlie Parker

John Altoon fut un des piliers de la Ferus Gallery de Los Angeles, fondée en 1957 par Walter Hopps et Ed Kienholz. Les toupies pornographiques de Hans Bellmer, la satire sociale (sans les lourdeurs de l’iconographie clanique), la luminosité et le trait acéré de Philip Guston, l’«oreiller surréaliste» (Jefferson Airplane) de Roberto Matta, les pénis convulsés hallucinants de Lee Lozano, les pieds fétichisés et les empâtements énergiques de Georg Baselitz, sans oublier les liens de coeur avec son frère d’armes arménien Arshile Gorky, voilà l’univers où évoluait John Altoon.

Cependant, on n’en trouve guère de rappels dans les oeuvres de cet artiste habité par sa vision intérieure. Je n’ai pas connu John Altoon. L’idée que je m’en fais se fonde sur une mosaïque de récits et témoignages verbaux, ajoutés, évidemment, aux oeuvres éblouissantes qu’il a livrées au public. John Altoon était de l’avis général un grand séducteur. Le charisme irradiait de tous ses pores, coulait telle l’encre de son stylo. Son inconstance légendaire faisait des dégâts partout où il passait. Altoon partait du principe que sans tragédie intense, il ne peut pas avoir de joie sublime. Ceux qui ont croisé sa route semblent avoir apprécié les deux faces contradictoires de sa personnalité. Apparemment, l’amour que cet homme a inspiré n’a d’égale que l’admiration suscitée par son art. Il serait vraiment simpliste d’interpréter les dessins et les peintures de John Altoon sous l’angle de la dualité bonheur-tristesse, même si l’aisance fluide de ses «dessins rapides» au stylo plume, qui s’oppose à la lente méditation inquiète exigée par la peinture à l’huile, gratte effectivement la surface d’un être profondément duel.

Le premier courant artistique né en Californie, rangé sous la bannière discutable de l’assemblage (ne pas commettre l’erreur de prononcer la dernière syllabe à la française), correspond à la première variante totalement locale d’une démarche créative. Cette tribu de la côte Ouest regroupait à l’origine Bruce Conner, Ed Kienholz, Llyn Foulkes, Wallace Berman, Robert Alexander, les frères Stone, Cameron, Jay DeFeo, Jess et George Herms.

Et puis il y avait le riche cousin de la côte Est Robert Rauschenberg et sa famille de l’Arte povera en Europe, surtout en Italie. Plusieurs autres artistes autour d’eux ont employé le même langage de trésors récupérés au rebut et réunis entre eux, notamment Tony Berlant et David Hammons. La diversité plastique de leurs oeuvres les distingue du funk art proprement dit, mais la poésie visuelle de leur contribution au projet de transformer le monde en atelier leur vaut une place dans cette exposition.

Toutes ces oeuvres sont porteuses d’une nostalgie qui tient moins aux objets utilisés pour les créer qu’à la lente dégradation subie avec le temps. L’érotisme de la mort et de la dégradation a accompli sa mue et du cocon jaillit le papillon de nuit façon petite mort. L’orgasme renvoie des échos. En fait, la sensibilité de ces artistes se nourrit plutôt de jazz et de la poésie beat qui a déferlé sur la scène californienne, à Los Angeles et San Francisco, vers la fin des années 1950. La dimension physique quasi viscérale de l’art et la littérature beat traduit une mentalité bien plus qu’une esthétique commune.

C’est le fil rouge qui relie les deux expositions apparemment distinctes présentées ici. John Altoon, dont la rapidité d’élocution scande le rythme du be-bop, et la fantaisie brute du funk art s’affrontent dans une bataille d’orchestres pour finir par se rejoindre sur l’estrade. Tim Nye

Organisée par Tim Nye et Jacqueline Miro

critique

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