Shai Kremer
Infected Landscape
Le travail sur les territoires occupés de Palestine de Shai Kremer, étalé sur une dizaine d’années, concentre une extrême densité de représentation, afin de nous décrire ces paysages, comme l’on dit: «d’après la bataille». Les évènements concernés, pour la plupart ont déjà eu lieu, survivent les traces visibles qui polluent ces territoires ancestraux, champs d’oliviers dévastés afin de créer des zones de non lieu, bâtiments abandonnés, ou anciennes bases détruites, vestiges des postes avancés de l’occupation, maisons individuelles désertées des palestiniens, ou aires militaires brûlées servant de terrains d’exercice comme ce chemin de sable où survivent les pas des marches mécaniques des soldats, espace de sécurité agricole mettant à distance les banlieues suburbaines, toutes nous conduisent «droit au mur», à ces parois de béton infranchissables, sur lesquelles s’écrasent les espérances des habitats naturels.
Cet ensemble de routes, chemins ou pistes qui séparent l’image en deux parties, comme elles divisent les territoires, défigurent arbitrairement les paysages, engendrant alors une forme de vision de désolation active. Car l’on y perçoit bien que l’histoire qu’elle recouvre est en route, et ne saurait s’inscrire durablement dans une temporalité tranquille; ce qui créée ce malaise pour nous, spectateur extérieur, inconscient de ces états de fait, malgré la beauté surréelle de leurs descriptions.
L’évocation fût-elle la plus expressive ne remplace jamais la présence du vécu dans le réel, et si elle précipite la réflexion, elle ne nous met jamais au cœur de cette réalité brut et implacable de l’occupation israélienne. Réalité revisitée par l’absence des habitants en question autre qu’une silhouette de femme et d’enfant déambulant en contre jour, dans ce no man’s land.
Gilles Verneret
En collaboration avec le réseau Adèle