Communiqué de presse
Zoulikha Bouabdellah, Jens Haaning, Katia Kameli, Abdellah Karroum, Djamel Koken, Nasan Tur
Indifférence/ Différence
«Indifférence/Différence» réunit des artistes qui travaillent sur le mode de la réappropriation (Jens Haaning), de l’indexation (Katia Kameli), de la critique urbaine (Nassan Tur, Djamel Kokene), du décalage identitaire (Zoulikha Bouabdellah, Hassan Musa) du détournement (Abdellah Karroum) venant parfois défier les codes et signes culturels du monde dans lequel ils évoluent. N’apparaît-il pas là un art de l’effacement qui tend à échapper aux qualifications identitaires ? Un art de l’effacement qui, en toute utopie, aussi minime soit-elle, répond au pragmatisme et au chaos proliférant de la culture globale pour s’inscrire dans un espace de l’entre-deux : l’espace de l’indifférence. Indifférence qui doit être entendue comme un refus d’étiquetage, un oubli d’appartenance pour faire de l’identité un jeu de construction-déconstruction.
Au cœur de ces problématiques, l’artiste assume, joue et met à l’épreuve ce qui le rattache à son origine tout en intégrant ou se réappropriant des signes extérieurs à sa culture. Jouer de son appartenance ou/et s’en éloigner, c’est aller au-delà de la différence pour entrer dans l’indifférence.
Loin d’être une illustration ou un thème, «Indifférence/ Différence» est une ponctuation qui prend appui sur le choix d’un travail modulatoire par lequel l’on peut se demander comment chacun, et en particulier les artistes, qu’ils soient issus ou non de l’immigration, se réapproprie, détourne ou critique ces images-signes qui véhiculent les standards de nos sociétés. Il s’agit donc de dépasser l’image stéréotypée de l’Autre, souvent stagnante et essoufflée.
Les artistes
Zoulikha Bouabdellah
La vidéographie et la photographie sont un moyen pour moi d’exprimer des choses qui sont en contradictions. Je suis souvent en situation de dualité. Je suis heureuse d’être consciente de ma complexité et c’est cela que je mets en scène dans mes vidéos. J’ai vécu en Algérie et je vis maintenant en France. Là -bas je suis considérée comme occidentale et en France comme une maghrébine. Cela ne me gène pas, au contraire, j’aime être plusieurs. […]
Dans le cadre d’ «Indifférence/ Différence», Zoulikha Bouabdellah présentera des cartes postales à partir de la série « Cité Dallas à Oued Zénati », un travail photographique réalisé à partir d’un cliché familial qui constitue une intrication entre la sphère privée de l’artiste et le célèbre feuilleton américain. Scène d’un mariage dans un village algérien, cette image représente le côté des femmes; certaines cérémonies en Algérie étant encore en majorité non mixtes. […]
Jens Haaning
Souvent privée de toute représentation positive et exclue de l’imaginaire social, la communauté immigrée constitue l’un des modèles privilégiés de Jens Haaning. Il photographie l’Autre ou s’approprie son langage et ses signes pour n’être parfois compris que par lui. Dans « The Refugee Calendar », une série de photographies qu’il réalise en 2000, des personnes issues de l’immigration posent comme pour une photographie de mode. Un texte inscrit sur le côté donne une description détaillée des vêtements et accessoires qu’ils portent et le prix de chaque article : Deniz porte un pantalon Adidas au prix de 200 DK (couronnes danoises), un sweatshirt Benetton acheté en Turquie pour l’équivalent de 80 DK, des chaussures Fila. […]
Représenter l’immigration est au centre du travail de Jens Haaning. Parce qu’absente de l’imaginaire social qui la relègue bien souvent au bord des routes, l’étranger n’est pas autorisé à être vu au-delà de l’image politique dont les codes sont les plus négatifs. À l’occasion de l’exposition-rencontre «Indifférence/Différence», Jens Haaning propose d’intervenir dans le champ social du visible à travers un affichage de blagues éditées en langue en arabe («Arabic Jokes»).
Katia Kameli
Loin de la logique identitaire qui conçoit le monde sur le mode de la disjonction, le travail de Katia Kameli ne peut se dissocier de sa propre expérience du dédoublement. Il s’inscrit dans l’entre-deux, l’intermédiaire où le signe d’appartenance est rejeté au profit de la multiplicité pour déjouer le dualisme latent et sortir du « ou bien » : algérienne ou bien française. Il s’agit davantage d’emmêlement que d’un découpage dichotomique de la réalité. Qu’il s’agisse de vidéos, de performances ou encore d’installations in situ, le travail de Katia Kameli s’inscrit entre le In et le Out en mettant en crise la racine identitaire. […]
«Indifférence/ Différence» apparaît comme un moment pour l’artiste de pratiquer l’acte d’indexation venant perturber le lieu et lui conférer ainsi un autre sens le situant entre la fragilité que présuppose une tente et la structure solide de l’architecture d’origine située dans le parc. […]
Abdellah Karroum
Né au Bout Du Monde (Beni Oulicheck) en 1970, Abdellah Karroum cherche et expérimente l’art là où on ne l’attend pas. Depuis quelques années, il entraîne des artistes internationaux dans des expéditions hors des sentiers battus de la création contemporaine à la rencontre des populations et à la découverte de lieux périphériques au-delà des clichés folkloriques. […]
Pour «Indifférence/ Différence», Abdellah Karroum propose un «livre blanc» aux participants de l’exposition-débat et interroge son usage dans divers contextes d’apparition. Il s’agit d’un livre de 80 pages blanches non numérotées dont le dépôt légal a été effectué auprès de la bibliothèque nationale de France. Edité à 2000 exemplaires, le texte du livre est imprimé sur un marque page : « j’ai écrit ce livre avec l’intention de vous rendre visite et de vous redonner le temps que vous lui consacrez. Il vous permet de lire dans vos pensées. Je vous invite à continuer l’écriture, pour une conversation… ». Le lecteur-auteur multiplie les récits du livre blanc comme s’il s’agissait d’un miroir enchanté.[…]
Djamel Kokene
Le travail qu’entreprend Djamel Kokene s’apparente à un entrelacs de lignes privilégiant l’association d’idées plutôt que le soulagement d’une attente répondant à une intention, à un but. Eparses et apparemment éloignées les unes des autres, les propositions de Djamel Kokene se succèdent par occasion dont le lieu d’exposition devient le temps d’une formulation plutôt que l’aboutissement d’un travail. […]
« Occupation du terrain » est à la fois une installation et une invitation au public sur le sens d’une action dans le champ social et l’espace urbain.
Cette proposition s’ouvrira sur la répétition d’un cri revendicatif émis depuis un dispositif sonore installé dans le parc. Au promeneur d’être surpris en entendant au loin cette interjection Lâchez-là ! Et de trouver à même le sol des tracts éparpillés dans le parc. […]
Nasan Tur
Dans le va et vient mental entre l’Allemagne et la Turquie, Nasan Tur interroge, dès ses premières œuvres, les flottements entre l’identité culturelle, sociale et juridique. Réalisée en 2000, la photographie « Don’t forget the fragrance of mint » montre Tur et sa mère enlacés, les deux protagonistes apparaissant dans des dimensions renversées. Le souvenir de la culture turque de la mère, une culture que l’artiste lui-même n’a jamais entièrement expérimentée, et la physionomie enfantine de Tur y sont accentués. […]
Pour «Indifférence/ Différence», Nasan Tur enchaînera ses culbutes dans l’espace public parisien et audonien, une performance intitulée « Somersaultingman » et qui s’inscrit dans la continuité de celles réalisées en 2001 à Frankfort, Istanbul et Tokyo. Les vidéos du « Somersaultingman » seront projetées dans le hall du parc Marmottan à Saint-Ouen. Nasan Tur participera également à la rencontre-débat pour engager le dialogue avec les intervenants présents et le public en relation aux différentes performances réalisées dans l’espace public et produites à l’occasion. […]
Programmation
Samedi 5 juin de 17h à 20h : débat sur les questions de représentation contemporaine, de leurs véhicules et leurs incidences culturelles.
Dimanche 6 juin 2004 à partir de 15h : rencontre avec les artistes de l’exposition