Antoine Aguilar
Incerta Alba
«La lumière est toujours égale à une autre lumière. Puis, elle se modifia: de lumière elle devint aube incertaine et l’espoir eut une nouvelle lumière.»
P.P. Pasolini, La Résistance et sa lumière, 1961.
«Nous ne vivons pas dans un monde, mais entre deux mondes au moins. Le premier est inondé de lumière, le second traversé de lueurs. Au centre de la lumière s’agitent les stars sur lesquelles nous regorgeons d’informations le plus souvent inutiles.
Poudre aux yeux qui fait système avec la gloire efficace du « règne ». Mais aux marges, cheminent d’innombrables peuples sur lesquels nous en savons trop peu. Peuples-lucioles quand ils se retirent dans la nuit, cherchent leur liberté de mouvement, fuient les projecteurs du « règne », font l’impossible pour affirmer leurs désirs, émettre leurs propres lueurs et les adresser aux autres.»
Georges Didi-Huberman, La Survivance des lucioles, Minuit, (2009)
Volatile, Nuremberg
L’idée des Å“uvres en confettis propose le parallèle avec les pixels des écrans toujours en mouvement. Les confettis ont également une existence éphémère. Ils volent dans les airs puis retombent sur le sol pour ensuite disparaître. Comme l’acte photographique, il s’agit d’une tentative de sauvegarder la volatilité d’un instant.
Volatile, Nuremberg s’inspire d’une reproduction de l’installation lumineuse d’Albert Speer, lors du congrès nazi de Nuremberg 1937. Speer avait réquisitionné tous les canons à lumière d’Allemagne pour cette démonstration de force, afin de réaliser cette «cathédrale de lumière». Le périmètre du stade était révélé par ces «colonnes — barreaux» de lumière procurant un sentiment grandiose de beauté carcérale.
Cette lumière, aux origines militaire, est ici utilisée comme objet de propagande politique, et révèle ainsi une fonction manipulatrice à des fins totalitaire. Antoine Aguilar met ainsi en exergue la modification de la perception du sens de cette photo. Alors que nous nous éloignons de cette période trouble, la perception symbolique disparaît également avec cette mise à distance, allant de la peur vers l’indifférence.
Neiges (rotring et pastel)
Les Neiges sont des images qui ne veulent rien figurer, elles n’imposent pas de message direct. Elles sont comme des sables mouvants où nos yeux cherchent en vain un point de fixation. Comme une redéfinition de l’abstraction, ces dessins se réfèrent aux structures des images: le point, le RVB, le pixel.
Antoine Aguilar propose ici une tentative de percevoir et de comprendre ce que l’on voit en partant d’une image abstraite où se cache quelque chose en devenir. L’imagination et l’interprétation sont ici sollicitées.
Lucioles
Les Lucioles sont une œuvre constituée de petites lumières qui émettent en morse des signaux lumineux. Antoine Aguilar a transcrit des textes portant sur la résistance dans l’univers dense de Pasolini, Deleuze, Hardt et Negri. Ces créateurs nous envoient des messages et des perspectives souvent incompris ou simplement ignorés, incarnant des résistances à ce monde de lumières irradiantes.
Light Water Strider (projection)
Avec les projections, Antoine Aguilar joue sur la fluidité de la lumière. L’image est rendue visible par une «surface-mirroir» installée sur le sol. La lumière ricoche sur cette surface pour rencontrer le mur en formant un halo lumineux. Antoine Aguilar joue sur l’idée de surface et de profondeur, de territoire déterminé et de reflet. Le sujet de la vidéo, secondaire, est un cadrage autour d’une araignée d’eau, incapable de pénétrer la surface et qui glisse inlassablement sur l’eau.
Lucioles et Light Water Strider évoquent toutes les deux un système de communication, l’une par le biais de signaux lumineux et l’autre par des ondes à la surface de l’eau. Il s’agit également de révéler l’insignifiant, tout comme ceux qui «fuient les projecteurs du «règne», (pour), émettre leurs propres lueurs».
critique
Incerta Alba