Communiqué de presse
Keith Haring
In Paris
C’est au cours d’un de ses séjours parisiens de 1985 que Keith Haring se prêtera à une séance de pose sous l’objectif de Patrick Sarfati. Le photographe parisien fait lui aussi partie de ce milieu artistique qui navigue entre New-York et l’Europe, et a eu l’occasion de nouer des liens d’amitié avec Keith Haring. C’est donc tout naturellement que leur vient l’idée de cette séance : se pliant à la vision et aux éclairages stylisés de Patrick Sarfati, Keith Haring sera d’abord simple modèle, au travers d’une série de portraits, puis modèle agissant, mis en scène par le photographe tandis qu’il se livrera à une étonnante séance de body painting sur le corps d’un de ses amis.
Ce qui frappe d’emblée dans ces images, c’est le travail extrêmement graphique de la lumière. Diffusés par tâches circulaires qui parcellisent les visages ou les corps, ou au contraire sous forme d’un rayon unique braqué sur le sujet comme sur une vedette de music hall – mais alors démultipliant son ombre, – les éclairages de Patrick Sarfati créent une atmosphère de cache-cache à plusieurs entrées. Celle d’un clair-obscur pudique, comme lorsque seul le regard de Keith Haring émerge d’une pénombre où l’artiste semble s’abriter. Ou au contraire celle d’une dramatisation très glamour, lorsque Keith Haring ou son propre modèle, se découpant sur un rond de lumière crue, évoquent un héro de thriller traqué par des projecteurs, ou encore un mannequin sur un podium. Mise en scène fidèle à la manière de Patrick Sarfati, laissant toujours sentir un riche arrière-plan d’émotions ou de fantasmes, et détachant l’image du réel pour l’inscrire clairement dans l’univers stylisé de la représentation.
Autre élément propre à entretenir cette ambiance onirique : le jeu sur la forme ronde. Découpée dans la lumière, parfois, non sans humour, en auréole au-dessus de la tête de Keith Haring, elle évoque le halo entourant le Radiant Baby cher à l’artiste new-yorkais. Surtout, repris dans le cerceau tenu par le modèle « body painté » ou encore dans les sphères métalliques avec lesquelles joue Keith Haring, ce jeu sur la forme géométrique inscrit spontanément ces images dans la lignée des constructivistes ou des surréalistes, dont elles empruntent le vocabulaire.
Cette mise en scène trouve donc l’aboutissement le plus naturel dans la performance de body painting réalisée par Keith Haring : alternance du sombre et du clair dans les effets de zébrures créés sur la peau du modèle par l’encre de Chine, intégration transgressive du corps comme support et matière de l’œuvre artistique, simplicité totémique des formes tracées qui reflètent images et pulsions recélées par l’inconscient, enfin effet de mise en abyme sous-tendant l’ensemble de l’œuvre, puisque l’artiste qu’on montre oeuvrant sur sa toile de chair n’est autre que le modèle d’un autre artiste, qui l’englobe dans sa vision.