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In-Organic, Pâquerette

L’ennui, quand on doit critiquer deux spectacles, c’est que souvent l’un éclipse l’autre, et pas forcément le meilleur. Il en est ainsi pour cette soirée du festival des Inaccoutumés, qui présentait un solo de Marcela Levi et le duo, apparemment très attendu, de François Chaignaud et Cécilia Bengoléa. Si la première performance, toute en hiératisme et dignité, s’accomplit par une dénonciation féministe qui n’est pas sans rappeler le travail de La Ribot, la seconde se perd dans le grotesque et, malgré cela, emporte la soirée.

Difficile en effet pour In-Organic de survivre dans nos mémoires après la vision de Pâquerette, qui à défaut de provoquer — quelqu’un, quelque chose -—, suscite au moins l’envie d’oublier et de passer à autre chose. Dévoilons ici ce que tout le monde paraissait savoir avant la représentation : Pâquerette met en scène deux danseurs pénétrés par des godemichés, qui tentent de rompre avec « le consensus qui a, jusque-là, malgré tout préservé les anus de la chorégraphie » (sic). On peut sourire. Surtout le soir même où France 2 nous propose d’assister, en prime time, à la représentation d’un rapport anal consenti entre deux hommes (Clara Sheller, saison 2, épisode 4)… Car enfin, si l’on admet qu’il y a là, dans l’anus, encore assez de tabou pour aujourd’hui y fonder un sujet de spectacle, pourquoi y introduire, et par un godemiché de surcroît, de la chorégraphie ?

Peut-être qu’ici les clichés demeurent : un danseur classique, ça aurait forcément un ballet dans le cul ? La succession de mouvements maladroits enchaînés par les danseurs munis de leurs accessoires nous prouve le contraire (où est passée l’élégance du danseur classique), mais ne démontre rien. Et il en est de même lorsqu’ils s’appliquent à exécuter des portés à partir d’intromissions digitales …

On aurait aimé découvrir de nouveaux territoires, partager les débuts d’une recherche ambitieuse, mais on assiste une série de grimaces et de cris caricaturaux, puis à un pas de deux sans aucune intériorité. Car ici réside le paradoxe le plus gênant : du dialogue entre intérieur et extérieur il ne demeure rien. Quand on songe au travail de Myriam Gourfink, tout en mise en tension des organes génitaux et des différents sphincters, à l’intensité qui en résulte, on perçoit pourtant un véritable objet d’étude dans l’exploration des organes et des orifices, qui méritait mieux que cette fausse provocation.

Marcela Levi méritait mieux elle aussi, si belle dans sa nudité et la crudité de son propos. Elle rapporte du Brésil l’histoire d’un village où les garçons vachers attrapent les femmes au lasso dans un rituel qui célèbre la puissance et la domination des hommes. Comme seule réponse à ce récit, la danseuse transforme le lasso en corset, puis en laisse, et se muselle à deux reprise. Une tête de taureau se change également en phallus, et l’on se souvient qu’en France les adolescents boivent un supposé « jus de taureau », pour pouvoir danser toute la nuit … Dialogue raté, donc, entre les anus queer et la force virile du taureau. 

— Marcela Levi, In-Organic, 2007. Solo.
— François Chaignaud et Cécilia Bengoléa , Pâquerette, 2008. Duo 

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