Rosa Aiello, Lynn Hershman Leeson, Anne Imhof, Helen Johnson, Morag Keil, Lucie Stahl
In my Absence
Cette exposition collective organisée par la commissaire Dorothea Jendricke, rassemble des œuvres de six artistes contemporains utilisant divers médiums tels la sculpture, le film, le collage et la peinture.
Lynn Hershman Leeson (née en 1941 dans l’Ohio, USA) s’intéresse particulièrement aux relations entre le corps et la machine, entre l’humain et la technologie, depuis les années 1960. Dans le cadre de cette investigation de l’authenticité et de l’identité, Hershman Leeson s’est également produite dans la peau d’une personne, un alter ego, qu’elle a appelé Roberta Breitmore, lors de performances de 1973 à 1978. Elle a engagé un détective pour suivre son personnage dans tous ses déplacements et a créé plusieurs œuvres en utilisant la documentation rapportée sur la vie quotidienne et émotionnelle de Breitmore.
Tout en pronostiquant les problèmes politiques actuels de surveillance et de censure, le sujet de l’absence a joué un rôle critique dans son film de 2010 !Women, Art, Revolution, un documentaire sur l’absence historique de représentation des artistes femmes dans les musées américains.
Plugged et Call Me exposés ici, tous les deux de 1987, font partie de la série «Phantom Limbs». Créée de 1985 à 1987, cette série de collages et d’estampes mêle des parties de corps féminins à divers équipements techniques, tels que câbles, écrans de télévision ou objectifs d’appareils photo.
L’installation vidéo de l’artiste canadienne Rosa Aiello, Serving (2015) navigue entre un scénario bien réel et un espace mental illusoire. L’enregistrement d’une caméra de surveillance à Mississauga (Ontario, Canada) révèle une qualité de scénario et de jeu cinématographique autour d’un vol, ceci étant incorporé à un récit hyper réaliste pour donner une scène animée abstraite et surréaliste. Rosa Aiello est née en 1987 et a grandi dans l’Ontario.
L’œuvre gravée intitulée Ocean III (2015) de Anne Imhof (née en 1978 en Allemagne) fait partie de sa dernière performance, DEAL, commandée par le MoMA PS 1 de New York où elle a été présentée pour la première fois au début de cette année. DEAL témoigne de la recherche de l’artiste dans diverses transactions physiques. Ces dernières peuvent être formelles ou informelles, légales ou illégales. Anne Imhof met en lumière les codes de groupes de pairs et enquête sur la structure des hiérarchies de pouvoir. Elle permet à ses œuvres de se déployer en formes à facettes multiples, sans leur imposer de limites d’espace ni de détermination temporelle.
Les sculptures et les éléments de l’installation peuvent avoir été créés initialement ou bien ils se construisent au cours de la performance. Ils contribuent à part égale à créer la performance proprement dite tout en prolongeant l’espace au-delà de la performance. Les traces visibles sur Ocean III, un grand panneau en aluminium peint du bleu spécifique utilisé par Lamborghini, ont été réalisées par l’artiste elle-même dans on atelier, bien qu’elles puissent être aussi des traces de la performance publique DEAL.
La performance SOTSB de Anne Imhof a eu lieu au Centre Pompidou le 3 juillet 2015 (de 18 h 30 Ã 20 h 30) dans le cadre du Nouveau Festival.
Lorsqu’elle vivait à Los Angeles en 2013-2014, Lucie Stahl (née en 1977 en Allemagne) a commencé à ramasser des canettes de bière Bud et de Coca-cola décolorées dans le désert avoisinant et les a détournées en une série de roues à prières (Prayer Wheels). Le travail de Lucie Stahl puise constamment dans l’imagerie populaire contemporaine, tirée de la publicité, du cinéma hollywoodien et de la télévision. Avec les surfaces délavées et cabossées des Prayer Wheels, réminiscences d’instruments religieux tibétains, elle soulève des questions spécifiques sur la consommation et suggère des stratégies pour faire face aux politiques mondialistes écrasantes. En cernant des notions sur l’objet et son identité, Lucie Stahl observe la relation entre la surface, la représentation et la manifestation physique.
De manière similaire, le travail de Morag Keil (née en 1985 en Ecosse) se réfère au corps et sa relation aux structures sociales établies. Ses Flour Babies sont de petites sculptures faites de sacs de farine et de vêtements de bébés qui font certainement appel à un roman éponyme de 1992. L’auteure américaine Anne Fine y décrit une expérience en milieu scolaire où l’on donne à de jeunes adultes en difficulté des «flour babies» dont ils doivent s’occuper pendant une période définie. Elle décrit comment, en partageant leurs vies, en prenant soin de ces petites créatures bizarres, les jeunes gens en viennent à réfléchir à leur propre environnement social et réussissent à surmonter leur anxiété. Morag Keil observe la manière dont l’identité se construit et est interprétée, en relation à une situation sociale donnée dans le capitalisme avancé. Avec ses Flour Babies, de manière humoristique, elle soulève de nouveaux modes de perception.
Une note inscrite sur la peinture de Helen Johnson, Marginalia (2015) nous dit: «Kant pense qu’il peut séparer l’ornementation de l’art. Derrida dit non (ou vraiment, vous pouvez?)», et, au dos du tableau, Helen Johnson s’exprime directement: «prête pour de nouveaux défis — désireuse de trouver de nouveaux débouchés — excitée à l’idée d’explorer de nouvelles possibilités.» L’œuvre à double face est encore plus stratifiée et dense que ses peintures précédentes. Helen Johnson (née en 1979 en Australie) peuple ses peintures à l’aide d’un registre comique subtil, utilisant des éléments de cartoons tout en écrivant des mots sur la toile comme au dos. Ceci révèle un réseau de sources tournoyant, ingénieux et spirituel. Marginalia s’accompagne également de références spécifiquement australiennes, auxquelles Helen Johnson confronte un public venu d’ailleurs. Certaines de ces références seront invisibles aux yeux des spectateurs, d’autres établiront une connexion, et ouvriront une nouvelle conversation. En relation avec sa recherche actuelle sur toutes les possibilités offertes par la peinture, Helen Johnson a récemment publié un livre intitulé Painting is a Critical Form.
Examinant les formes subtiles et autonomes de résistance et de critique, l’exposition «In my Absence» prend comme point de départ un passage de What Would Lynne Tillman Do?, le chapitre F is for the Future. Dans son recueil de textes éclectiques publié en 2014 à New York, Lynne Tillman relate ses premières rencontres avec la technologie informatique: «…lorsque vous semblez vous diriger vers l’infini, «ayant accès» à une diversité infinie, submergée par le choix et les liens qui se multiplient, vous pouvez vous sentir impuissant ou toute-puissant, selon la manière dont vous pilotez les infinis d’une machine posée sur votre bureau, comme si vous naviguiez sur un océan. Certains peuvent développer le syndrome d’un excès de cortisone et, imaginant que tout dans la machine est eux-mêmes, ils peuvent maîtriser la course du navire; d’autres seront perdus en mer, anéantis par la sensation de ce qu’ils ne peuvent pas faire. Personnellement j’ai les deux sensations (vous savez que de toute façon je m’interroge sur la notion d’accès.) Je me souviens que, lorsque j’ai acheté mon premier ordinateur il y a des années, j’étais tombée amoureuse de la touche «supprimer»; je voulais tout effacer.»