P. Nicolas Ledoux
In and out
La peinture, en art public, est surtout représentée à la fois par une production importante de décors muraux depuis les années 60 et par la prolifération des graphes et des tags. Cantonnée au mur, et souvent employée pour l’orner d’un sujet décoratif ou anecdotique, les possibilités de la peinture hors des lieux du musée et de la galerie sont assez peu exploitées.
Après une première expérience associant peinture et urbanisme avec Claude Rutault en 2007, Entre-deux invite P. Nicolas Ledoux à réaliser un projet à la frontière des arts plastiques et de la communication.
La peinture n’est pas le seul centre d’intérêt pour cet artiste protéiforme dont les différents domaines d’intervention lui offrent des angles de vue décalés qui interrogent ici un média dont on a tant annoncé la disparition mais qui, encore bien vivant, a pourtant du mal à se renouveler et à quitter son cadre. Passionné par l’histoire de l’art et de la peinture, il s’intéresse à ces espaces consacrés que sont les musées des Beaux-Arts. En tant que visiteur, il apprécie souvent la qualité de leurs tableaux et s’étonne de leur «invisibilité», absorbés par les murs qui les présentent, figés dans l’hérédité d’une tradition trop savamment mise en scène.
En collaboration avec le musée des Beaux-Arts de Nantes, P. Nicolas Ledoux a choisi une sélection de peintures de la collection et a bénéficié du réseau d’affichage de la ville pour déployer son projet. Des affiches et des interventions de collages ont été réalisées à partir des images empruntées. Dans la lignée des Å“uvres tramées d’artistes comme Roy Lichtenstein ou Alain Jacquet, l’artiste a retouché graphiquement les reproductions; il a libéré le sujet et sa force d’évocation en enlevant ce qui fait la matérialité de la peinture: la couleur et sa peau – le geste du peintre. Infiltrées dans les lieux publics, sans signature ni logo, les images apparaissent aux passants, énigmatiques et sans commentaire. Suivant le cadrage, le zoom et l’éclatement de l’image par la trame, celles-ci sont réactivées, mises à nu et ouvertes au regard. Les lectures de l’image – de l’abstraction géométrique au détail figuratif – sont multipliées par la distance et le point de vue du passant, prenant en compte un homme qui marche, une voiture qui roule, la mobilité induite par le paysage traversé. Des histoires de l’art (classique, géométrique, minimal, conceptuel…) sont alors disséminées dans la ville en un geste mystérieux et silencieux au statut complexe entre réappropriation, détournement ou simple documentation. L’exposition à la base d’Appui témoignera de ces infiltrations d’images et présentera l’édition qui résulte de ces «expositions» de peintures interrogeant la forme de l’affichage, geste banal de mise en public – usé par la communication – et, confirmera la capacité de l’Å“uvre d’art, hors «ses» murs, à participer à la construction d’un espace public soit un espace critique d’échanges, de discussions et d’interférences.
P. Nicolas Ledoux vit et travaille aux frontières de l’art, entre posture et imposture. Son travail est montré en France et à l’étranger – de façon visible ou invisible – dissimulé ou non. Il procède du leurre et de la fiction, de la fusion-confusion entre artiste-critique et critique-artiste. Son approche résolument post conceptuelle s’appuie, avec une certaine provocation et par souci du paradoxe, sur les outils classiques de l’artiste: installation, dessin, peinture, vidéos, photos… Il investit aussi les supports périphériques: cartels, livrets, biographies, sites internet, catalogues, essais… pour occuper et explorer les interstices encore vierges et possibles de l’art. Il braconne sur les territoires officiels du champ artistique, écrit et réécrit des histoires de l’Art; tisse des liens avec la musique, le cinéma, la littérature afin de questionner le processus créatif dans toute sa complexité et dans ses enjeux économiques et stratégiques: Le Monde de l’art est pour lui un matériau d’expérimentation, une maquette miniature de notre société qu’il observe et révèle avec une acuité critique et féroce. Il est un des membres fondateur du collectif Ultralabâ„¢ (depuis 2000) et, avec Damien Beguet, a racheté un artiste en 2011 après sa cessation d’activité dont ils ont décidé de prolonger le travail sous le nom de Ludovic Chemarin©.