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Imminence

Dédié aux artistes émergents, le festival ZOA laisse apparaître ce que pourrait être le spectacle vivant du milieu – comme Pascale Ferran a parlé d’un cinéma du milieu. Dans la petite salle inconfortable de La Loge apparaît la force du désir de la directrice du festival, Sabrina Weldman, qui réussit le pari de donner une seconde édition à ZOA, dans le contexte que l’on connaît.

Imminence: est imminent ce qui est sur le point d’avoir lieu et qui pourtant n’a pas lieu, pas encore. Lorsque le spectateur entre dans salle, presque entièrement noire, il est invité à pénétrer cette attente. Cela dure un peu. Le désir de voir ce qui occupe la scène prend le pas sur tout autre pensée. Parfois la lampe des ouvreuses dévoile les silhouettes sur le plateau, très peu, très vite. Lorsque l’éclairage est fait sur ces présences devinées, il est fort. Il s’agit d’un projecteur, porté à l’épaule par une troisième personne. Imminence est un duo pour trois femmes.

Le projecteur redouble notre regard. Attentif aux moindres mouvements des danseuses, il se met en mouvement pour deviner, pour révéler, pour effacer par l’éblouissement l’ampleur de ce qui se joue ici, à petits gestes. Imminence est un duo qui n’exclut pas la forme classique de la rencontre, de l’union, de la séparation. Ce qu’il fouille est cependant différent. Imminence s’attache aux instants qui précèdent le contact, aux écarts qui le permettent. Dans cette durée, dans cet espace, s’agitent et se stabilisent des micro-mouvements d’une grande puissance. Le temps et le geste sont suspendus. Le désir est maintenu dans cette brèche spatio-temporelle, il existe par lui-même et ne trouve pas sa résolution — qui est aussi sa fin — dans l’enlacement.

Cet éclairage mouvant, comme un point de vue multiple, éclate les fictions narratives. L’envie et l’inquiétude se disputent l’éventualité du contact. La lumière baigne, berce, crée des halos de douceur autour des silhouettes. Les danseuses déposent leur visage dans l’air qui occupe le creux de l’épaule de l’autre, les quelques millimètres près de sa joue. Tout peut être effacé lorsque le projecteur se dirige vers la salle en un kaléidoscope hypnotique. Ailleurs, il creuse les lignes des corps et les fait expressionnistes. Les visages s’éclairent l’un l’autre par irradiation. A contre-jour le corps n’est plus qu’une silhouette sombre soulignée d’une lumière dorée très délimitée qui marque sa limite et sa surface de non-contact.

La danse inventée par Mélanie Perrier se nourrit des trajets de l’une vers l’autre, des avancées, des gestes précisément adressés, «des mouvements inframinces des corps qui se cherchent». Ici, le goût de l’écriture est évident. Trois interprètes, trois partitions. L’articulation entre la partition chorégraphique, la partition musicale et la partition lumineuse intensifie la mise en scène du presque, du possible.

L’intelligence avec laquelle Imminence rend visible et palpable le moment d’avant, le geste d’avant apporte une force sidérante à la pièce. L’intelligence aussi émeut. Lorsque le champ des possibles est conservé en l’état, lorsque la partition est une partition mouvante qui ne trouve pas sa résolution dans une fin mais dans une ouverture, la douceur d’une prise de conscience commune est offerte. Et c’est un cadeau de prix.

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