Jonathas de Andrade, Sofia Borges, Fernanda Gomes, Tunga, Adriano Costa, Cinthia Marcelle, Maria Martins, Rodrigo Matheus, Mayana Redin, Carlos Zilio
Imagine Brazil
Le Musée d’art contemporain de Lyon organise très régulièrement des expositions consacrées à des scènes artistiques internationales. Ce fut le cas par exemple de la Chine («Le Moine et le Démon») en 2004, ou plus récemment de l’Inde («Indian Highway») en 2011.
L’exposition «Imagine Brazil» conçue avec Londres et Oslo, expose 14 jeunes artistes — les plus créatifs de la scène émergente du Brésil. Chacun de ces artistes a été convié à son tour à inviter un artiste confirmé qu’il considère comme un référent, un proche ou une personnalité à laquelle il souhaitait rendre hommage. C’est ainsi qu’«Imagine Brazil» présente l’œuvre de 27 artistes au total (un artiste ayant été choisi deux fois). Mais il s’agit également d’une exposition dans l’exposition: «Livres d’artistes», ces livres dont la place est considérable et unique dans l’art brésilien d’aujourd’hui. Cette partie de l’exposition est confiée à Jacopo Crivelli Visconti et Ana Luiza Fonseca.
«Tandis que Gunnar Kvaran et Hans Ulrich Obrist sillonnaient le Brésil, pour en appréhender les moindres détails, je suivais de très près la Biennale de São Paulo et son influence considérable sur l’art brésilien en tant que «mondial». Bientôt, nous nous sommes retrouvés pour partager le commissariat d’«Imagine Brazil» qui a d’abord consisté en de nombreuses visites d’ateliers, de galeries, de collectifs d’artistes, de collections privées et publiques. Parallèlement, nous avons entrepris un travail d’investigation auprès de nombreux critiques, historiens d’art, directeurs de musée et «curators» indépendants.
En effet, si la jeune scène brésilienne est indéniablement forte et créative, elle est toujours l’objet d’un regard extérieur. C’est d’ailleurs inévitable et cela vaut, avec plus ou moins de bonheur pour toutes les «scènes» artistiques, occidentales ou non. Or le Brésil, depuis le fameux Manifeste anthropophage de Oswald de Andrade, écrit en 1928, est sensible à toute tentative d’absorption dont le corollaire occidental est la fabrication de folklore indigène. Et le Brésil n’est pas exempt, loin s’en faut, d’imageries bon marché, du football congénital aux ondulations carnavalesques.
L’«internationalisation» de cette jeune scène brésilienne peut en faire très vite un produit parfaitement comestible et anodin, porté par un marché en expansion. En 1990, la critique Aracy Amaral, dans un texte manifeste, condamnait l’attitude condescendante et paternaliste de l’occident à la recherche de l’«autre» le Brésilien). En 1998, Adriano Pedrosa, à l’occasion de la 24e Biennale de São Paulo, démontrait l’influence de l’art brésilien sur le reste du monde, et en 2009, dans son 31e Panorama il inversait les regards en n’invitant que des artistes étrangers, pour lesquels la modernité brésilienne était une source d’inspiration.
«Imagine Brazil», sensible à cette «anthropologie symétrique», ne pouvait pas renier son regard extérieur, qu’elle assume, mais devait accorder à l’«intérieur» (mais qu’est ce que l’«intérieur»?) un rôle déterminant. C’est pourquoi après un travail d’investigation de plusieurs années, nous avons demandé à chacun des «jeunes» brésiliens de choisir un artiste confirmé qui l’a marqué et grâce auquel il est devenu ce qu’il est. Chaque artiste est ainsi commissaire en écrivant une histoire parfaitement subjective mais «intérieure». Nous étions les premiers étonnés de ces choix que jamais nous n’aurions opérés.
L’exposition circule de la Norvège au Canada, à l’Argentine et au Brésil. Dans ce circuit international, chaque lieu est évidemment libre d’ajouter ou de retrancher des œuvres, mais ne doit en aucune manière, à la différence d’«Indian Highway», toucher à la composition des artistes.»
Thierry Raspail
Commissariat
Gunnar B. Kvaran, Hans Ulrich Obrist et Thierry Raspail