Cory Aracangel
Image is everything
La galerie Thaddeus Ropac présente la quatrième exposition individuelle consacrée au jeune artiste Cory Arcangel qui vit et travaille à Brooklyn (NY). Né en 1978 à Buffalo (NY), l’artiste s’est fait connaître sur la scène internationale depuis 2004 par ses performances innovantes, ses vidéos et ses projections conçues par ordinateur.
Nous organisons la deuxième exposition à Paris de Cory Arcangel dont la plupart des travaux présentés appartient aux genres classiques de la sculpture et de la peinture. Cette exposition à la galerie se tiendra parallèlement à l’exposition individuelle «Cory Arcangel – Here Comes Everybody» à la Nationalgalerie im Hamburger Bahnhof de Berlin, du 30 novembre 2010 au 1er mai 2011.
Le titre Image is Everything reprend celui d’une campagne publicitaire de 1991 utilisant l’image d’Andre Agassi pour le fabricant d’appareils photo Canon. «J’ai lu beaucoup de choses sur Andre Agassi. Et je me suis vraiment plongé dans sa phase des années 1990 et de la fin des années 1980 […] et j’ai alors recherché sur eBay des artéfacts de cette période de sa carrière. Une grande partie de mes travaux commence par ce genre d’intérêts vagues. […] La campagne a abordé tellement de sujets qu’elle a fini par négliger sa carrière de tennis durant cette période. Le style d’Agassi mobilisait mon esprit jusqu’à influencer les travaux de l’exposition».
Le caractère unique avec lequel Cory Arcangel utilise les logiciels, les ordinateurs et les ressources Internet comme un matériau artistique pur et les organise de façon inédite révèle une signature toute nouvelle. Au milieu des années 2000, l’artiste a retenu l’attention par son archéologie de la technologie informatique des années 1980 tandis qu’il a, ces dernières années, étendu le champ de ses sources artistiques et digitales.
Deux séries des travaux présentés à Paris — les sculptures de la série Wire Forms et les photos de la série Gradients — sont conçues par ordinateur et peuvent presque être considérées comme des readymades digitaux. Les Wire Forms sont conçues grâce à un robot qui utilise un programme informatique mis au point par l’artiste et qui génère des formes sur un mode aléatoire. Leur attrait réside dans le fait d’avoir été obtenues à la fois par ordinateur et — comme une sculpture classique — de façon analogique. Au contraire, les Gradients partent de motifs graduels (gradient patterns) tirés du logiciel de retouche d’images Photoshop. L’artiste n’a eu besoin que d’un clic de souris pour déterminer la composition de l’image. C’est le clic qui donne son nom à l’Å“uvre. Il décrit en même temps, avec la plus grande exactitude — à la manière d’un manuel d’utilisation — comment réaliser soi-même cette image.
Dans l’installation Since U Been Gone… constituée d’un lecteur et de 48 CD, Cory Arcangel tente de mettre au point une systématique et la généalogie d’une «Punk Pop Top 40 Music» spéciale et actuellement très populaire qu’il trouve parfaitement incarnée dans le morceau Since U Been Gone de Kelly Clarkson. Cory Arcangel se sert d’un arrangement de 48 CD pour saisir les influences de l’histoire de la musique des cinquante dernières années qui ont servi à réaliser de tels morceaux. L’Å“uvre est interactive et les visiteurs peuvent écouter les CD alors que l’artiste considère l’installation avant tout comme une sculpture.
Les séries de Kinetic Sculptures, les groupes de Dancing Stands que l’on retrouve souvent dans les magasins d’électronique bon marché et les Sport Products, lunettes de soleil Oakley moulées en bronze, font référence à une époque du design des années 1990, suivie de près par celle des iPods de Steve Jobs (au design parfait et lisse). Les Kinetic Sculptures, sorte de «Sol LeWitt bon marché et vulgaires» interrogent sur les raisons pour lesquelles la sculpture cinétique a été largement exclue des canons de l’histoire de l’art et révèlent à quel point le processus de canonisation de la haute culture est lié aux évolutions du goût et aux modes.
Le processus de vieillissement des technologies constitue de fait un thème central de l’Å“uvre de Cory Arcangel, ce qui ne fait pas pour autant de lui un pur nostalgique. Il voit plutôt dans notre amusement face aux modes et technologies passées un trait fondamental du comportement humain. «Je pense peut-être qu’avec du recul [à propos des anciennes technologies] nous prenons conscience de notre absence de perspective. Et ceci n’a bien sûr rien à voir avec la seule technologie; ceci touche aussi la mode et la culture en général. Comment avons-nous pu nous habiller de cette façon? Comment avons-nous pu penser de cette façon? Ce qui semblait alors universel n’a de nos jours plus aucune valeur. Il s’agit je suppose d’une de ces bizarreries de l’existence humaine».
Dans la série Timeless Standards, Cory Arcangel montre comment l’iconographie d’un des principaux artistes du XXe siècle a été transférée au monde du design et du commerce avant d’être reprise à nouveau dans la sphère artistique. L’année passée, la société Lacoste a commercialisé des polos manifestement inspirés de Roy Lichtenstein. L’artiste a décidé de réintroduire les motifs de Lichtenstein dans le White Cube en scannant les polos, puis en imprimant les scans et en les appliquant sur du carton. L’installation au sol Skipping Stones est à placer dans un contexte similaire : des dalles textiles de la marque Flor sont disposées selon une structure qui rappelle une sculpture classique de Carl André.
L’exposition présente également une nouvelle installation vidéo: dans There’s Always One at Every Party, Cory Arcangel rassemble toutes les scènes de Seinfeld, la plus célèbre des séries télévisées américaines des années 1990, dans laquelle le personnage de Kramer parle de son «coffee table book» sur les «coffee tables». L’artiste utilise ici la technique courante sur Internet des Supercuts, selon laquelle des scènes d’un film partageant une même thématique sont copiées et mises en série. Il voit dans cette idée de livre de table de salon sur les tables de salon un phénomène qui présente des parallèles avec la pratique de l’art conceptuel. «Ce qui m’intéresse, c’est de mélanger ce style vernaculaire propre à Internet et Seinfeld puis de replacer le tout dans un contexte artistique».
critique
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