Frédérique Lucien
IL
Cette exposition personnelle de Frédérique Lucien est entièrement consacrée à ses œuvres récentes réalisées dans la continuité de l’engagement de l’artiste autour du corps humain initié depuis 2003. L’exposition présente des dessins sur papier et des volumes en plâtre.
Sur le long mur de la galerie se déploie une série de dessins réalisés au fusain sur papier tous du même format (75,5 x 56 cm, inscrit à la verticale ou à l’horizontal). Telle une frise, accrochées en hauteur et venant surplomber notre regard, ces œuvres sur papier sont des morcellements d’un corps masculin. Ces dessins s’inscrivent dans le prolongement de la série «Anonyme», initiée en 2010, qui explore la question du corps fragmenté. Pour réaliser ces dessins, l’artiste travaille à partir de photographies de corps de modèles venant poser dans l’atelier mais contrairement à la première série des
«Anonyme», ici le modèle s’avère unique.
A l’instar des «Anonyme» datant de 2010, l’identification n’est guère plus possible dans la suite «IL». Les membres sont d’autant plus isolés qu’ils sont coupés par le bord de la feuille de papier. Le grain de la peau ou certains détails tels les grains de beauté ou les rides sont accentués et apparaissent en gros plan.
La perte de repères est totale, dévoilant des fractions de corps au bord de l’abstraction. La ligne et la matière du fusain viennent modeler cet espace corporel qui s’ouvre au paysage en sublimant la figure.
Sous la verrière, sur une table basse, est disposé un ensemble de mains jointes en plâtre réalisées entre 2014 et 2015, à l’échelle 1. L’artiste a également travaillé ici à partir du moulage des mains de proches en état de prière. Ces volumes sont délibérément restés blanc, couleur qui évoque la pureté. Dans cet ensemble au traitement minutieux, l’artiste a reproduit exactement le sujet premier mais le transcende par la couleur blanche et la variation des gestes.
Enfin, un dernier ensemble mêle des dessins de mains et des sculptures. Certains de ces volumes en plâtre représentant genou ou coude, sont teintés d’une couleur orangée, ocre ou marron. La couleur non naturaliste amplifie l’étrangeté et le mystère. Les pliures, les articulations modifient le sens des formes: le corps se transforme en montagnes ou en collines, en accidents paysagers.
On retrouve, aussi bien dans les œuvres sur papier que dans les œuvres en trois dimensions, un même rapport d’échelle et de fragmentation. Ces œuvres, imprégnées d’ambiguïté nous dévoilent leurs multiples sens et dépassent le sujet premier. La réflexion autour du dessin se décline sur différents supports attestant de la perpétuelle observation du réel par l’artiste.