Le deuxième volet de l’exposition de jeunes artistes trentenaires organisée par l’ARC, et nommée «I Still Believe In Miracles», avec pour sous-titre «Derrière l’horizon», constitue une proposition a priori alléchante. Il semble annoncer des oeuvres traitant de mondes lointains, imaginaires, irrationnels — on pense bien sûr à Lewis Carroll et au miroir traversé par Alice ou à Judy Garland chantant «Over the Rainbow» dans Le Magicien d’Oz.
L’exposition telle qu’elle se présente est moins excitante que prévu, malgré la présence de travaux pertinents. Des partis pris restent inexpliqués — l’exclusion de la peinture par exemple, qui mériterait, à un moment où le marché défend, comme dans les années quatre-vingt, le pire des pratiques réactionnaires, le regard lucide et exemplaire des responsables de l’ARC — et l’agencement des œuvres, trop disparates, ne produit pas vraiment de sens, ce qui devrait pourtant être le premier but d’une exposition collective.
En fait de merveilleux, quelques œuvres sont marquées par une esthétique nostalgique assez consternante — le film de Markus Schinwald Children’s Crusade joue nettement sur une esthétique «Choristes» et les œuvres de Cao Fei et d’Ulla von Brandenburg reprennent à leur compte celle des «tableaux vivants» que composaient sans génie ni imagination au XIXe siècle les femmes de la bonne société pour passer leur ennui.
Les travaux les plus réussis sont le résultat d’un bricolage revendiqué, susceptible de produire du miracle à partir de la notion d’étrangeté.
Les facéties de Laurent Tixador et Abraham Poincheval, dont les noms très picaresques sont déjà des promesses d’aventures, retiennent bien sûr l’attention, avec leurs vidéos et leurs objets kitsch (des bouteilles décorées comme celles que l’on vend dans les bords de mer touristiques) gardant traces de leurs voyages loufoques autour du monde — une de leurs vidéos de 2004 est nommée fort à propos Plus loin derrière l’horizon.
Les objets de Davide Balula, qui vit à Paris, sont intéressants par le travail de décalage auquel ils sont soumis : à l’entrée est installé un lavabo de décontamination, esthétique et effrayant (c’est, nous dit-on, le type de lavabos utilisé dans les centrales nucléaires), que son titre Rinse your eyes behind vient doter de sens supplémentaires (renouveler ou rincer son œil «behind», derrière, l’horizon). Plus loin est placée une œuvre plus légère, titrée Un air de fête, un tourne-disque noir auquel est suspendu un ballon rouge.
L’usage de très peu d’éléments, mais riches et poétiques, caractérise les œuvres du new-yorkais Adam Putnam, des films, Untitled (Shadowroom) I et II, et des interventions, Magic Lanterns faites de bric et de broc (verre, plastique de couleur, ampoule suspendue à un fil) : un travail sur la lumière et sur la manière de la circonscrire, avec une grande précision, afin de pointer l’ampleur du noir qui l’entoure.
On regrette qu’il ne soit pas donné à ces artistes plus d’espace — comme à Gabriela Fridriksdottir, qui vit à Bruxelles et dont les dessins blancs et noirs, comme la vidéo qui les met en mouvement, présentant des figures dans lesquelles l’organique et l’enfantin se rencontrent, auraient été plus à leur place dans le premier volet de l’exposition.
Une exposition imparfaite, donc, mais une exposition de l’ARC, au sein du Couvent des Cordeliers lieu qui est lui-même «derrière l’horizon» puisqu’on y fait depuis quelques mois, grâce à Rirkrit Tiravanija, comme si — comme si nous nous trouvions au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. L’espace — à la fois réel et imaginaire — de l’exposition est finalement sa plus belle pièce.