L’œuvre de Milo Garcia, jeune artiste anglais, est marquée par le besoin du récit, du narratif, différemment décomposé et analysé selon les moyens employés.
La pièce maîtresse de l’exposition est son film Karaoké Love (2001). D’une durée de 83 minutes, il met en scène deux acteurs filmés en parallèle devant un mur nu et blanc. Ceux-ci ont été sollicités au préalable et l’un après l’autre par l’artiste pour lui raconter leur vie personnelle. De ce récit, Milo Garcia a fait un scénario, et c’est cette histoire-là que les acteurs nous restituent dans le film.
Les acteurs en quelque sorte «se jouent eux-mêmes», brouillant les frontières du récit fictionnel et du documentaire. De plus, le spectateur pris dans le tourbillon de ces paroles parallèles (et de ces histoires parallèles car ils ne se connaissent pas) a tendance à recomposer le récit d’un couple, car il arrive, par le hasard de la juxtaposition, que les deux histoires se combinent en dialogue.
Un autre récit est celui de l’œuvre qui nous accueille à l’entrée de la galerie: 23 Minutes or A Perpetual State of Disassociation (2002). Ces photographies tirées sur des panneaux d’isolation acoustique sont issues d’un film tourné à New York et qui n’a pas été monté. L’assemblage de ces tirages de différents formats, sur trois murs, sont les uniques témoins des événements qui se sont déroulés dans le film et recomposent là encore une autre narration, formelle et muette.
Tantôt il joue sur la mise au point et met en valeur le gros plan net d’un couple sur un petit format, au centre d’images plus floues ; ou bien les plans sont raccordés par des liens formels entre deux images. (Usant de ce fait, mais avec la photographie, des moyens du montage cinématographique, montage «en transparence», ou «en opposition» entre deux plans). Pourtant, en dehors du regard du spectateur et de la répartition habile sur les murs, les panneaux demeurent séparés les uns des autres.
Enfin, et c’était jusque-là l’aspect le plus connu du travail de Milo Garcia, un «kit d’assemblage» en contreplaqué composé d’un panneau évidé des formes qui ont servi à construire un personnage courbé, la tête penchée, les bras ballants, personnage presque grandeur nature fixé au mur. L’œuvre s’intitule A Man, About 31, Just Chimping Out and/or a Self Portrait (2002). Le titre fait sans doute écho au titre général de l’exposition I M A GORILA C, anagramme du nom de l’artiste : Milo Garcia. «Chimp» est une abréviation pour chimpanzé.
Là aussi l’artiste raconte une histoire, le panneau de départ, tels les panneaux en carton de panoplies pour enfants, en est le scénario et l’aboutissement. C’est la construction du personnage qui est une image (une des images possibles) d’un personnage, ici de l’artiste.
— Karaoké Love, 200. Vidéo. 83 mn. Coproduit par Channel 4, Sony Filmmakers et A-Vision.
— 23 Minutes or A Perpetual State of Disassociation, 2002. Photos : tirages sur panneaux d’isolation acoustique.
— A Man, About 31, Just Chimping Out and/or a Self Portrait, 2002. Kit d’assemblage.