Adam Janes
Hunter gatherer
Les personnages qui apparaissent dans les dessins d’Adam Janes ont les traits et l’assurance des héros de bandes dessinées, à ceci près qu’ils sont rarement achevés et se retrouvent pris dans un flux agrégeant fragments et couleurs. Un tourbillon magnétique intense qui amasse tout sur son passage et construit une cohérence oblique non narrative. Ces ensembles se répondent de dessin en dessin mais possèdent également à chaque fois une harmonie propre délimitée par les bords de la feuille de papier.
Dessinateur, Adam Janes développe aussi une pratique de la sculpture. Ses projets sculpturaux naissent de la nécessité d’arrêter pour un temps de dessiner. Comme si la technique du dessin était trop intense, trop immédiate et demandait à être entrecoupée de pauses durant lesquelles l’artiste construit de ses mains, travaille à la façon d’un artisan et laisse à ses idées le temps de se mettre en place. Il a ainsi conçu des machines à trancher les mains (The unbeatable handy poor los manos à la galerie Vallois en 2007), à fabriquer des gaufres ayant la forme du Texas (Delicate balance country buffet, Tim Van Laere gallery, Anvers), ou encore à distiller illégalement de l’alcool (De Stijl Life, China art objects galleries, Los Angeles).
À chaque fois, les installations de l’artiste nous dévoilent non seulement les fruits de ses expérimentations, mais aussi les systèmes de production ayant permis l’émergence de ces formes. De même, Adam Janes expose rarement une sculpture isolée: comme pour ses dessins, les fragments d’objets s’additionnent pour faire sens. Depuis trois ans et l’exposition intitulée «Candle Chantry (psycho killer qu’est-ce que c’est ?)», Adam Janes a fabriqué des bougies, alternative à la sculpture conçue comme production industrielle. L’usine à bougies qu’était devenu son atelier, est cependant progressivement tombée en panne et a fini par cesser toute activité. C’est à ce moment que sont apparus les «dessins noirs». Ces dessins tout droit sortis de l’espace renvoient la page à ce qu’elle est: un trou noir, une surface aimantée où s’écrit par empreintes et retranscriptions un flux créateur, une passerelle vers le cerveau de l’artiste.
L’exposition «Hunter gatherer», que l’on pourrait traduire par «chasseur
cueilleur», initie un nouveau cycle où l’artiste se concentre sur le dessin. Profondément mental et en prise avec l’inconnu, le dessin semble la traduction tangible de cet univers psychique. Il apparaît comme un champ des possibles, une idée en devenir, une façon de communiquer ce qui ne peut être dit. Il s’agit de partir à la recherche de quelque chose (chasser) mais de ne prendre que ce dont on a besoin (cueillir). Si tout commence par une question, l’artiste crée par la suite une activité ou une situation lui permettant de s’y confronter. «Parfois, je trouve une réponse à la question, déclare Adam Janes, parfois non. Mais surtout, je rencontre habituellement une autre question – et c’est comme cela que je sais en avoir fini avec la première.»